Une frise de vitraux continue et en miroir évoque les quatre premiers jours de la Genèse. Telle une enluminure, ils ornent la nef et célèbrent la nature. La tension entre les courbes et les lignes, le jeu des couleurs et des transparences relient chaque vitrail comme les pages d'un livre.
Conçus par l'artiste Marie-Charlotte Zago et mis en œuvre par l'atelier Thomas Vitraux, les vitraux ont été réalisés dans le cadre de la réhabilitation de l'église-Saint-Pie X à Valence menée par l'architecte Marjorie Meunier en 2024.

Auteure :
Chantal Burgard

Entretien avec
Marie-Charlotte Zago

à Valence 16/05/2025

L'église-Saint-Pie X (*) ​​​​​​​​fait partie de la paroisse Notre-Dame des Peuples qui regroupe plusieurs quartiers Est de Valence (*)​​​​​​​. Les communautés sœurs vietnamiennes, libanaises et tamoul utilisent aussi l'église (*)​​ .

L'église a été bâtie en 1957 (*)​​​​​​​ à titre provisoire par les habitants du quartier du Petit Charran dont l'urbanisation remplace les champs (*)​​​​​​,. Une grande partie d'entre eux, compagnons de la Communauté de travail Boimondau construisaient alors en même temps, dans l'esprit « Castor », leur maison dans le quartier. Selon Gabriel et Edith Pillon (*)​​​​​, une grande partie d'entre eux ont participé en tant que bénévoles à la construction de l'église.

En 2019, l'église devenue trop vétuste a été l'objet d'une réhabilitation sur l'ensemble de la parcelle
Suite à une consultation restreinte sur intentions architecturales lancée par la paroisse sur l'ensemble du site, l'équipe formée de l'architecte Marjorie Meunier et l'artiste Marie-Charlotte Zago a été désignée lauréate.

Dans le cadre d'un budget très modeste, le parti de l'architecte a été de déplacer l'entrée au Nord ainsi que le parking afin de libérer une prairie pour les célébrations et les activités des enfants et des jeunes. Selon elle, la difficulté a été de faire accepter que l'entrée soit déplacée sur cette prairie. Et aussi d'épurer la façade Est où elle a pu ainsi créer quatre fines ouvertures verticales et mettre en valeur le clocher. Le cheminement marqué par un porche conduit à l'auvent qui abrite la porte d'entrée. A l'intérieur de l'église, suite à des travaux d'isolation, la charpente a été révélée, le mobilier récupéré. La maison paroissiale existante a été aussi rénovée.
Les travaux ont commencé en janvier en 2024.
Les vitraux ont été posés en novembre 2024 quelques jours avant l'inauguration. Un appel aux dons des paroissiens et de quelques entreprises a permis de financer les vitraux qui n'étaient pas prévus lors de la consultation.
Lors de celle-ci, l'architecte qui souhaitait que des vitraux évoquent la nature, a choisi cette artiste pour son travail figuratif et symbolique. Dès l'esquisse, Marie-Charlotte Zago a dessiné des formes naturelles et s'est appuyée sur l'expérience de l'atelier Thomas Vitraux.
Selon l'architecte, le chiffre 4 fut leur fil conducteur. Ce chiffre représente aussi les 4 peuples que Notre-Dame des Peuples protège, l'Asie, l'Afrique, l'Europe et l'Amérique. Pour les vitraux, elles choisirent de représenter les éléments des quatre premiers jours de la Genèse qui relate la création du monde: la lumière, le firmament, l'eau, la terre, les « luminaires » que sont le soleil, la lune et les étoiles.

Eglise avant travaux © Marjorie Meunier
Eglise après travaux, 2025 © R. Chambaud

Entretien avec Marie-Charlotte Zago

Chantal Burgard – Quelle a été l'origine de la commande et comment s'est-elle déroulée ?

Marie Charlotte Zago – Pour la rénovation, la paroisse a fait le choix de consulter deux équipes d'architectes sur intentions architecturales. Dans le programme, il n'y avait pas de demande concernant les vitraux. Auparavant, les vitrages étaient en verre martelé. C'est l'architecte Marjorie Meunier qui m'a proposé de participer à cette consultation en présentant des esquisses axée sur la thématique de la nature. Car mon travail personnel est très orienté sur la représentation de la nature. Je me nourris d'elle comme un lieu de recueillement et de méditation qui me permet de créer.
Dès la consultation, en accord avec l'architecte, nous avons proposé de représenter de manière abstraite la nature décrite dans les quatre premiers jours de la Genèse (*)​.

Esquisses © M.C. Zago

CB – Etait-ce votre première commande dans un lieu de culte ? Comment avez-vous appréhendé sa fonction cultuelle ?

MCZ – C'était ma première réalisation dans un espace cultuel et aussi de vitraux.
L'église n'a rien imposé ; elle a simplement suggéré qu'on intègre le cercle, la courbe inversée, les étoiles, le cercle inversé.
Plusieurs fois, l'équipe du Diocèse a visité mon atelier pour voir les esquisses. Le Père Jacques Sambou est venu une fois, seul, me conseiller sur la forme de l'étoile à cinq branches, dans la Genèse.
Les étoiles dans les vitraux nord © R.Chambaud

CB – Comment vous êtes-vous imprégnée du lieu?

MCZ – La présence du jardin a amené l'idée qu'il soit visible de l'intérieur et de célébrer ainsi la nature.
Grâce à la transparence du verre, le mouvement des nuages et des feuillages anime les vitraux. Cela renforce l'idée de nature. Les tonalités des vitraux prennent en compte l'orientation des façades et du cheminement vers le chœur de l'église. La nuit, l'éclat des couleurs se perçoit de l'extérieur. Les passants redécouvrent à nouveau la présence de l'église.
Feuillage à travers le vitrail © R.Chambaud
L’église de nuit © Marjorie Meunier

CB – L'espace de l'église et le rythme des ouvertures,  ont-ils guidé votre conception des vitraux?

MCZ – Les vitraux sont inscrits dans les ouvertures existantes qui d'ailleurs forment des séries de quatre. Leur petite taille et leur proximité a conduit à une frise avec un dessin continu qui peut être lue comme figurative et abstraite, chaque vitrail pouvant être isolé.
En entrant, les vitraux sur la gauche, situés au nord, expriment l'idée de commencement avec des tons froids de vert et de bleu, symboles du repos de la nature, et de jaune, symbole de la naissance de la vie. Les derniers vitraux commencent à se réchauffer avec des incrustations de rouge.
Au sud, les tons chauds de rouge et jaune sont des signes de maturité et d'avancement dans le temps.
Vue en entrant dans la nef de l’église © C.Burgard

Frise nord © R. Chambaud

Frise sud © R. Chambaud

En miroir, les deux frises au nord et au sud ont le même dessin dans les tons chauds et dans les tons froids. Elles évoquent en boucle le cycle de la nature et répondent à l'esprit de joie.

Vitraux nord et sud en miroir © R. Chambaud
Ces ramures comportent des « chefs d'œuvre ». En technique du vitrail, on nomme « chef d'œuvre » la découpe d'un cercle qui est très délicate. Le sens du cercle est le « tout, l'unité ». Toutes les parties en blanc opaque sont des symboles religieux. Les quatre traits représentent la lumière, le soleil, les plantes et les animaux. La courbe inversée est le firmament. Les parties opaques se détachent ainsi des parties transparentes.
Ce projet m'a amenée à penser autrement le dessin et la transparence. Il fallait se plonger dans le dessin mais aussi l'oublier et se focaliser sur la couleur. «Je contemple et je me perds dedans ».
Le chemin de croix s'interpose entre les vitraux.

CB – Comment s'est effectué le choix de la technique, du type de verre, ainsi que des couleurs ?

MCZ – Avec Emmanuel et Laurent Thomas de l'atelier Thomas Vitraux, cela a été un vrai travail d'équipe sur la recherche des couleurs et sur la transparence.
La technique utilisée a été celle du sertissage au plomb avec des bourrelets de 5 à 8 mm. Chaque vitrail a une dimension de 70 cm de largeur par 80 cm de hauteur.
Cartons préparatoires © M.C. Zago
Nous avons choisi un verre soufflé de 3 mm qui vient de la verrerie de Saint-Just-Saint-Rambert dans la Loire. Le verre y arrive sous forme de bouteille et est chauffé et coulé à nouveau en plaques. A partir des nuanciers et de mes esquisses, nous avons choisi ensemble les couleurs. Les dessins à l'échelle 1, peints à l'aquarelle pour la transparence, sont archivés à l'atelier Thomas.
A leur demande, j'ai repris mes esquisses en les épurant car il y avait trop de détails. Ensuite j'ai à nouveau réduit les grandes surfaces en introduisant d'autres cernes. J'ai aussi supprimé des pointes trop difficiles à réaliser. Les formes ont été adaptées pour être réalisables, parfois redécoupées pour qu'elles ne se cassent pas. La nuance de la couleur a été choisie en fonction de la surface réelle afin qu'elle soit présente et pas trop transparente.
Les étoiles sont gravées à l'acide. Un verre de sécurité extérieur SP10 protège les vitraux.


Cette coopération avec la paroisse, l'architecte et le maître verrier m'a fait prendre conscience de ma place dans le monde : ces dessins ne m'appartiennent plus.

Sources

– Brochure sur la rénovation de l'église Saint-Pie X en 2024
– Gabriel et Edith Pillon, Un jour, une histoire, une église 1957-2007 (consultable à l'église)

Situation de l'eglise Saint Pie X à Valence -FR

Eglise Saint Pie X

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2025-09-04T15:38:09+02:00
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