Le musée de Valence :
1983 – 2013,
un long processus
de rénovation-extension
2 – Des années d’élaboration et d’études scientifiques et culturelles
Dans ce second article, Hélène Moulin-Stanislas développe les phases d’élaboration scientifique et culturelle qui permettent de définir les orientations que l’architecte doit prendre en compte et mettre en espace. Les études sur le bâti, les fouilles archéologiques, les restaurations des collections… sont réalisées par différents professionnels qui interviennent tout au long du projet auprès de l’équipe du musée et de l’agence d’architecture Jean-Paul Philippon.
Auteure:
Hélène Moulin-Stanislas
Afin de mettre en œuvre cet ambitieux projet, un certain nombre de documents, qui en fondent les grands principes et idées concernant le lieu, ancien palais épiscopal au cœur du centre ancien de Valence, comme la muséographie, les collections, les expositions temporaires, la relation aux publics… ont été établis et remis aux architectes pour le concours.
1 – Des études et des fouilles
Un état des lieux du bâtiment du musée réalisé en juillet 2004
Document essentiellement technique, il comprend un plan masse en situation dans son environnement, un état des surfaces existantes par niveaux et par salles, un état du bâtiment (extérieur comme intérieur) et de ses accès, accompagné de photos ainsi que divers éléments techniques tels qu’étanchéité, climat, électricité, des plans détaillés de l’existant, …
Une étude du palais épiscopal réalisée entre 1997 et 2005
Si seul un résumé des éléments les plus importants et significatifs de ce document est fourni aux cinq candidats retenus après le premier jury, sa consultation était toutefois possible au musée pour les équipes qui le souhaitaient.
Cette étude, engagée par la conservation du musée, a débuté en 1997 avec un groupe de recherche formé d’étudiants, de chercheurs et archéologues travaillant sur la Drôme. Elle a été suivie, entre 2001 et 2005, par un Projet Collectif de Recherche (PCR) soutenu financièrement par le département et mené en partenariat avec l’UMR 5 138 Archéométrie et Archéologie (Isabelle Parron), la DRAC avec le Service Régional de l’Archéologie Rhône-Alpes (Joëlle Tardieu), l’INRAP (Pascale Rethoré, Michel Goy…), et des enseignants et étudiants des Université Lyon2, Aix en Provence, Poitiers, en associant de nombreux chercheurs, qu’il est impossible de tous nommer ici.
Additionnée aux fouilles menées quelques années plus tôt sur les places des Clercs et des Ormeaux, elle a apporté une connaissance plus fine de l’histoire et de l’évolution architecturale du palais épiscopal et du groupe cathédral, qui a fortement contribué à nourrir le projet et a débouché, en 2007, sur la dernière exposition temporaire avant la fermeture du musée, De mémoire de Palais, accompagnée d’un important catalogue.
Cette étude a également permis de localiser et de programmer les fouilles archéologiques, en quatre phases liées au calendrier du chantier ; les études du bâti, à la fois en amont et pendant les travaux dans les divers espaces extérieurs et intérieurs du bâtiment, ainsi que les fouilles d’une partie du parvis de la cathédrale Saint-Apollinaire où se situait le baptistère paléochrétien de Valence et où devait être installée une des deux grues du chantier.
Ces fouilles au sol et études du bâti, menées par les équipes de l’INRAP sous la responsabilité de Pascale Rethoré et Chantal Delomier, ont toutefois révélé plusieurs surprises au cours du chantier. Découvertes qui ont parfois entrainé la modification de certains espaces et circulations afin de les préserver et de les mettre en valeur : plafonds et enduits peints du XVe siècle, fenêtre de la tour barlongue du XIIe siècle au second étage, portes du XVe siècle à divers étages, sol en calade du XVIIe siècle au rez-de-chaussée, tour de l’escalier à vis du XVe siècle et ses ouvertures sur toute la hauteur à l’angle des ailes ouest et nord, vestiges de l’odéon antique du Ier siècle, l’un des trois connus en Gaule…
Découvertes qui, même si elles perturbent parfois le chantier, viennent encore enrichir le projet grâce à leur restitution ou évocation : Escalier en vis consolidé, maintenu en l’état et présenté comme « en vitrine » sur toute sa hauteur afin d’en percevoir l’histoire. Signalétique spécifique au sol de la tour de l’escalier à tous les étages, et de l’odéon antique au rez-de-chaussée de l’accueil du musée et des espaces adjacents.
2 – Un Projet scientifique et culturel (PSC) écrit en 2003 : Un musée et plus, un « esprit » du lieu
Avec la nouvelle loi du 4 janvier 2002 qui pose la définition juridique du musée en précisant son rôle et sa position face aux attentes de la société, puis avec le code du patrimoine promulgué en 2004, les musées de France, qui bénéficient de la reconnaissance du ministère de la culture, sont tenus de rédiger un Projet scientifique et culturel (PSC). Ce document détermine les bases de leur identité, orientation, fonctionnement et développement dans les domaines de la conservation, de l’étude et de la présentation des collections, et de leur diffusion et restitution auprès des publics dans un objectif d’accès égal pour tous à la culture.
Réalisé en 2003, le PSC du musée de Valence compte parmi les premiers écrits dans les musées. À la fois conceptuel et opérationnel, il a été pensé et rédigé dans l’objectif bien spécifique de la rénovation-extension du musée. Document stratégique, prenant profondément en compte le site et l’édifice qu’il occupe, il pose à la fois un bilan de l’existant et les grands objectifs qui vont déterminer son projet général à court et moyen terme, la réhabilitation de l’édifice, mais également les moyens financiers et humains qui devront les accompagner.
Bilan et analyse du lieu et des collections en 2003
Ce bilan est divisé en chapitres qui font le point à la fois sur les problèmes et les atouts du musée :
. Le musée de Valence dans son contexte départemental, régional et national
. L’histoire du musée et de ses collections
. Le lieu : l’ancien palais épiscopal et sa situation dans la ville
. Les collections : leurs spécificités et atouts, leur statut et leur gestion…
. Le fonctionnement : ses moyens humains et budgétaires
. L’action culturelle et l’accueil des publics (expositions temporaires, éditions, service éducatif, …)
Ainsi, les problèmes et difficultés listés sont-ils par exemple le manque de place, la vétusté et l’inadaptation du lieu aux fonctions d’un musée en 2003 (conservation des collections, expositions temporaires, médiation…) qui par exemple oblige tous les étés à « déménager » les collections présentées au rez-de-chaussée et premier étage, vers le second étage afin de laisser place aux expositions temporaires, …
Ses atouts sont eux, des collections comprenant des œuvres exceptionnelles en art comme en archéologie qui lui assurent une notoriété certaine, tant locale que nationale, voire plus ; une localisation au cœur du centre historique et touristique de la ville et dans l’ancien palais épiscopal, édifice majeur de l’histoire de Valence qui possède une véritable « présence » ; une politique d’acquisitions, de restaurations, d’expositions temporaires et de publications, volontariste et ambitieuse, ainsi qu’un service éducatif (l’un des premiers en France, en 1983), qui ont positionné le musée dans des réseaux ; une équipe qui connaît bien le lieu, des collections informatisées et photographiées, des publics fidélisés qui attendent la rénovation et ne demandent qu’à être augmentés, …
Grands objectifs du projet : Pour un musée d’Art et d’Archéologie dans l’ancien palais épiscopal
. Affirmer la double identité du musée, Art et Archéologie, en redéployant les collections permanentes, en les montrant dans un parcours fluide et cohérent avec une muséographie adaptée.
Continuer à les enrichir avec des achats ciblés et ambitieux, à les restaurer… Toutefois, dans un objectif à long terme d’expositions ou de création éventuelle d’espaces muséographiques satellites au musée, continuer aussi à développer certaines collections déjà bien représentées au sein de l’encyclopédisme d’origine du musée, telle celle sur l’histoire de Valence et de ses hommes.
. Proposer un projet muséologique ambitieux ancré dans un dialogue étroit entre l’édifice, les collections et l’environnement proche et lointain.
Le palais épiscopal est inscrit au cœur du projet : sa double identité minérale au nord et végétale au sud, comme son environnement, sont mis en perspective avec les collections, leur localisation et leur présentation. Des vues et dialogues sont proposés entre collections d’art et d’archéologie, entre collections et paysages environnants …
La lumière naturelle offerte par ces perspectives extérieures, maitrisée, doit venir accompagner les collections.
Une part de la mémoire du musée est aussi préservée et affirmée avec la rénovation de la galerie d’histoire naturelle, seul aménagement de 1911 ayant subsisté : espace significatif d’un temps de l’histoire des musées voulus encyclopédiques et du début des classifications scientifiques, aujourd’hui peu conservés ; galerie plébiscitée par les familles/enfants et les artistes et en lien avec les préoccupations écologiques du temps.
Inscrit dans son environnement urbain et paysager, à côté des perspectives et dialogues variés proposés depuis les multiples ouvertures vers l’extérieur, le musée offrira un panorama à 360 degrés sur le paysage environnant avec la création d’un belvédère qui trouve sa source dans « l’échauguette » située au plus haut de l’escalier en vis du palais, dont les vestiges demeurent encore visibles.
Valoriser la dimension patrimoniale du bâtiment en en faisant un élément fort de requalification du centre ancien de la ville et en révélant les strates de son histoire et de son évolution architecturale. Cependant, le projet devra affirmer une architecture contemporaine et sans pastiche pour les extensions nécessaires, comme l’histoire l’a précédemment fait : un palais épiscopal dont la construction et l’architecture s’étalent du XIe au XIXe siècle ; un musée qui ajoute celles des XXe et XXIe siècles.
. Mettre les publics au centre du projet en proposant un accueil fonctionnel, une accessibilité étendue à tous, des services amplifiés tels un service médiation aux offres diversifiées, une documentation-bibliothèque ouverte au public et en réseau avec les médiathèques de l’agglomération, une salle de conférence (qui a hélas dû être abandonnée pour des raisons financières)…
A la fois musée et promenade, le parcours de visite est accompagné d’une double signalétique. La première, celle du lieu, avec des cartels développés spécifiques signalant les éléments emblématiques du palais. La seconde, celle des collections, avec des documents à niveaux de lecture variés : cartel simple, cartel développé, fiche d’œuvre et fiche de salle, mur signalétique… Des dispositifs multimédias spécifiques et ciblés viennent compléter ces éléments signalétiques, de même que des dioramas et une table multi sensorielle (odeur, toucher, son) conçue à partir des deux tableaux de Paolo Porpora.
. Conserver les collections dans des espaces offrant toutes les garanties, avec en particulier la réalisation d’un Centre de Conservation et d’Etude externalisé associé à un dépôt de fouilles de l’État (SRA/DRAC), avant les travaux du musée même afin de pouvoir y conserver l’intégralité des collections pendant le chantier… en continuant à la fois la programmation des restaurations nécessaires mise en place depuis plusieurs années.
. Pérenniser la double politique d’expositions temporaires avec une exposition d’été d’envergure nationale, voire internationale, positionnant le musée et confortant le tourisme à Valence.
. Continuer la politique de partenariat avec les équipements et associations valentinois mais aussi les musées départementaux, régionaux et nationaux.
3 – Un projet muséologique : 2005
Un programme muséographique : mai 2005
Ce document, essentiellement opérationnel, réunit l’ensemble des espaces nécessaires au fonctionnement du musée et les collections qui seront présentées dans le musée en définissant le parcours du visiteur.
Pour les collections, chaque chapitre thématique, sous forme de tableau précédé d’un texte descriptif, comporte la liste des œuvres : Auteur, titre, technique, dimensions, photo, numéro d’inventaire. Eléments techniques auxquels s’ajoutent, pour chacune d’entre elles, les grands principes de présentation : œuvre à mettre en valeur, rapprochements nécessaires entre certaines œuvres, présentation au mur, présentation sur socle, présentation en vitrine, …
On y trouve aussi les principaux éléments de signalétique nécessaires, à la fois pour chaque « chapitre » thématique dans les salles et individuellement pour les œuvres : mur signalétique, fiche de salle et fiche d’œuvre, cartel développé, cartel simple…)
Un parcours du visiteur
Réalisé à partir d’une partie des éléments du programme muséographique et du PSC et devant être à la fois synthétique et complet en décrivant le parcours que le visiteur suivra pour visiter le musée et le lieu, ce fut le document le plus difficile à rédiger.
Ce parcours a été conçu en chronologie inversée et pensé en lien étroit avec l’histoire et la géographie architecturale du palais épiscopal, comme avec son environnement paysager et urbain : aile nord côté cathédrale et nord de l’aile ouest sur Rhône consacrés à l’archéologie, aile sud côté jardin et sud de l’aile ouest sur Rhône consacrés à la collection art.
Il débute, par les collections archéologiques au rez-de-chaussée avec l’histoire du palais épiscopal et du groupe cathédral dans lequel s’inscrit le musée. Il se poursuit, en remontant dans l’édifice, par l’histoire et la vie dans la cité de Valence antique, pour se terminer, au troisième niveau, en élargissant le territoire par la pré et protohistoire de la moyenne vallée du Rhône depuis 400 000 ans avant J.-C. et les premières occupations humaines. Après avoir traversé un espace consacré au Rhône, le visiteur atteint, au dernier niveau, le belvédère avec ses perspectives sur le territoire dont il vient de traverser l’histoire et les paysages environnants dont une lecture sera proposée.
Il se poursuit ensuite, en redescendant dans le bâtiment, par les collections Art, avec une place privilégiée donnée à la question du paysage. Ainsi il débutera par une immersion dans la relecture de ce thème par les artistes contemporains, pour se poursuivre par la collection XXe avec le paysagisme abstrait des années d’après-guerre. Le visiteur traversera ensuite l’histoire du genre au début du XXe et au XIXe siècle jusqu’au « Voyage d’Italie » à la charnière du siècle. Puis aux XVIIIe – XVIIe siècles avec une « galerie » du paysage, de Corot au paysage de ruines, pour arriver aux salles consacrées aux dessins et peintures d’Hubert Robert (1733-1808), peintre de ruine et de paysages qui réunit en quelque sorte dans son œuvre, art et archéologie. Il se termine, au rez-de-chaussée, par plusieurs salles consacrées à « l’invention du paysage » comme genre autonome.
L’intervention architecturale de Jean-Paul Philippon en fera un musée palindrome où le parcours sera rendu possible dans les deux sens.
Cependant, offrant une place au hasard et au risque, il est aussi permis de se perdre dans l’espace quelque peu labyrinthique que constituent les espaces et pièces aux dimensions et atmosphères variées du palais épiscopal-musée, choisissant ainsi d’enrichir son imaginaire avec l’entremêlement, voire la confrontation, des temps et des œuvres.
. La collection archéologique
La présentation des collections permanentes débute au rez-de-chaussée avec le parcours archéologique. Plus de 1 500 objets archéologiques sont inscrits au programme muséographique de la réouverture, totalisant 95 unités de présentation. Le parti pris de l’exposition des collections archéologiques offre un parcours de visite « à rebours » où les trois séquences archéologiques sont étroitement imbriquées dans la promenade architecturale du lieu, ainsi qu’orientées selon les points cardinaux du musée. Le parcours archéologique constitue une unité de visite à part entière, où chacune des séquences a une identité propre tout en s’inscrivant dans un continuum et une unité muséographique commune. Au lieu de commencer par les temps les plus anciens, le visiteur est invité à remonter le temps du Moyen Âge à la Préhistoire. En revanche, à l’intérieur des séquences, la chronologie est respectée. Ni muséographie écrin, ni muséographie démonstrative. Le choix de laisser certains objets à hauteur du regard, sans cloche en verre, contribue à renforcer la présence des œuvres offertes au regard.
– De mémoires de palais
Le visiteur commence par l’histoire du lieu en pénétrant dans l’ancienne galerie ogivale du palais épiscopal, un des premiers évêchés de la chrétienté. Salle d’immersion, lumineuse sous ses croisées d’ogives dont les baies seront recouvertes, les œuvres y seront rares et le regard focalisé par le tableau des saints fondateurs mythiques de l’église de Valence Felix, Fortunat et Achillée qui ouvre la séquence. L’histoire du groupe épiscopal est ensuite évoquée avec diverses collections et maquettes du palais, portraits d’évêques, mosaïques du baptistère, âge d’or du monnayage valentinois. Une des salles ouvrira sur le clocher actuel de la cathédrale, permettant la comparaison avec les représentations gravées de l’ancien clocher médiéval.
– Valentia et son territoire
Les collections gallo-romaines présentent deux ensembles thématiques forts ; l’origine de la colonie romaine de Valence (Valentia) d’une part et son territoire d’autre part. Les visiteurs rencontrent les vestiges archéologiques et les inscriptions latines, gravées entre le 1er et le IIIe siècle après J.-C., permettant ainsi d’approcher certaines facettes de la vie, des activités et des croyances des anciens Valentinois. Il découvre aussi un échantillon représentatif de l’habitat rural antique à travers un bel ensemble de maquettes réalistes, les objets de la vie quotidienne retrouvés dans les villae, les agglomérations secondaires, les relais routiers dans ou à la frontière du territoire de l’ancienne Valentia. Dolia, inscriptions latines, blocs d’architectures monumentaux voisinent avec les objets plus modestes du quotidien. Cette présentation culmine avec les mosaïques et le matériel de la villa antique des Mingauds à Saint-Paul-lès-Romans, à la religion antique des Valentinois et à la manière dont ils rendaient hommage à leurs morts. La Mosaïque des travaux d’Hercule, classée monument historique, celle d’Orphée charmant las animaux, présentées au sol retrouveront ainsi un peu de leur sens d’utilisation.
-Terres de préhistoires
La séquence débute côté Rhône et suit le cheminement chronologique des premières cultures connues il y a 400 000 ans dans notre région jusqu’à la veille de ta conquête romaine. Présentés principalement sous vitrines tables ou vitrines filantes éclairées, les premiers galets taillés, l’art des chasseurs cueilleurs du paléolithique supérieur, les habitats et productions du nouveau système économique et social au Néolithique, l’accélération des contacts et échanges (d’idées, de biens) entre communautés, l’évolution de la céramique, l’extrême finesse et régularité observée sur certaines pointes de flèches en silex constituent les points fort des collections. Maquettes d’habitats et saynètes des dioramas accompagnent la visite.
. L’espace Rhône
Trouvant sa source dans le haut de l’escalier à vis du palais et l’échauguette qui le surmonte, il est localisé au dernier étage, à la jonction symbolique du double parcours du visiteur (Art et Archéologie), de la promenade architecturale et de l’antichambre du belvédère, c’est un espace de collections mixtes qui relèvent à la fois de l’archéologie (paléontologie, géologie) et des arts (dessin, sculpture, moulage). La Maquette du pont sur le Rhône, longue de 13 mètres est l’objet emblématique de cette section, image d’un grand écart temporel mais aussi d’un grand pont : entre paléontologie et représentations artistiques, entre archéologie et art. La face cachée de la montagne de Crussol y est aussi présentée à travers une collection d’ammonites du Kimméridgien dont la collection de référence est conservée l’UFR des Sciences de la terre de Villeurbanne.
. Le belvédère
Au point culminant du bâtiment, au sommet de l’aile ouest qui longe le Rhône, le belvédère offrira un panorama à 360°, au plus près et au plus lointain, afin d’appréhender le site dans lequel s’inscrivent la ville et le territoire dont il vient de traverser l’histoire. Il proposera une terrasse extérieure où une table d’orientation permettra à tous, voyants et mal ou non-voyants, de lire le paysage qui fait face (montagne de Crussol, fleuve, ville…).
. Les collections d’art
Fondatrices de l’identité première du musée, les collections d’art regroupent peintures, sculptures, arts décoratifs, mobilier… Toutefois, les peintures y sont prépondérantes, du XVIe siècle à l’Art contemporain. Se poursuivant aussi en chronologie inversée, en redescendant en partie dans l’aile ouest et dans l’aile sud du bâtiment, le nouveau parcours donnera une part majeure à la question du paysage, thème pris dans un sens large, depuis la revisite qu’en font les artistes contemporains jusqu’à l‘invention du genre au XVIe siècle. Le parcours s’inscrira aussi dans l’histoire du territoire en offrant régulièrement une place au « paysage artistique » drômois avec quelques-uns des artistes qui l’ont marqué tels Félix Clément ou Joseph Fortunet Layraud, Prix de Rome au XIXe siècle,André Lhote, ou Étienne-Martin, dont l’œuvre réinvente sans cesse sa maison natale de Loriol, mais aussi à la production céramique drômoise avec Etienne Noël, George Jouve…
Pensée de manière fluide, mêlant peintures, sculptures, photographies et arts décoratifs entre autres, cette remontée du temps se fait au travers d’une muséographie simple privilégiant l’œuvre et donnant une place à la lumière naturelle et aux percées et points de vue sur l’environnement naturel dans une relation œuvres/fragments de paysage. Elle débutera au second étage avec les collections contemporaines et du XXe siècle par un itinéraire thématique où à travers peintures, photographies, installations et dessins, se côtoient représentations des paysages et formes plus abstraites. Artistes marcheurs et voyageurs (Hamish Fulton…), cartographies mentales d’artiste à la frontière, paysages parcourus (Sophie Calle, Pierre Alechinsky…), paysages intérieurs (Wols, Henri Michaux, Mark Tobey…), immersion dans le paysage même de la peinture (Joan Mitchell, Olivier Debré, Tal Coat, Joseph Sima, Jules Olitski…).
Elle se poursuivra ensuite, en redescendant dans le bâtiment, depuis le début du XXe siècle avec les mouvements du début du siècle (cubisme, fauvisme) avec André Lhote et Albert Gleizes sur les pas desquels nombre d’artistes sont venus travailler dans la Drôme : Lhote et son académie d’été à Mirmande, Albert Gleizes à Moly Sabata, mais aussi Raoul Dufy, André Derain, Maurice de Vlaminck, Kees Van Dongen, Émilie Charmy, Albert Marquet…Écoles qui, tout au long du XIXe siècle, ont construit la « victoire » du paysage : Pré-impressionnisme avec Eugène Boudin, Stanislas Lépine, romantisme et orientalisme avec Paul Huet, Delacroix, Georges Michel, Eugène Devéria, école de Barbizon et écoles réalistes avec Théodore Rousseau, Henri Harpignies, Barye, Narcisse Diaz de la Peña, Charles-François Daubigny… Enfin à la charnière des XIXe et XVIIIe siècles, avec le paysage qui, depuis la peinture sur le motif en Italie avec Corot, Hackert ou Jean-Charles-Joseph Rémond, traverse le néoclassicisme avec Jean-Joseph-Xavier Bidault, Marie-Nicolas Ponce-Camus, mais aussi avec l’exceptionnel papier-peint début XIXe de la manufacture Joseph Dufour intitulé La Galerie mythologique qui servira d’écrin aux sculptures de Joseph Debay et Louis-Pierre Deseine, pour arriver à la peinture de ruine des XVIIIe et XVIIe siècles avec Jean-François Hue, Giovanni Paolo Pannini, Jean-Nicolas Servandoni, Pierre Patel, Henry d’Arles…
Enfin, précédés d’un espace consacré au donateur, Julien-Victor Veyrenc qui présentera d’autres dessins de sa donation (François-André Vincent, Joseph-Benoît Suvée, Charles Meynier, Parmesan…), des espaces seront dédiés à l’exceptionnel ensemble de près de 120 œuvres d’Hubert Robert. Collection la plus importante conservée dans un musée avec celles des musées du Louvre à Paris et de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg, elle propose une vision du « sentiment de la nature » et du goût pour l’antique qui se sont développés au XVIIIe siècle. Une salle sera consacrée aux peintures, en offrant un panorama de son œuvre et des thèmes qui la traversent de 1760 à la période révolutionnaire. Dans une seconde salle, un accrochage thématique des dessins sera proposé par roulement : pour l’ouverture, Hubert Robert, une géographie sensible de Rome. La muséographie privilégiera les couleurs contenues dans ses œuvres : ainsi, la salle des dessins sera peinte dans un coloris « vert absinthe », celui de la monture du XVIIIe siècle, coloris certainement approuvé, voire choisi par l’artiste dont la signature figure dessus.
Le parcours se termine au rez-de-chaussée par les XVIIe et XVIe siècles, depuis la nature morte avec les deux chefs d’œuvre de Paolo Porpora, puis par l’invention du paysage comme genre autonome, à travers des œuvres de Pieter Van Mol, Martin Faber, Cornelius Gysbrechts, Anton Goubau, … pour se clore dans l’immersion au centre de quatre grandes scènes de la vie du Christ aux paysages entre symbolique et nature.
. La salle d’histoire naturelle
Mémoire d’une histoire des musées, restaurée « à l’identique », elle évoque à la fois le temps des cabinets de curiosité et celui du début des classifications du vivant aux XVIIIe – XIXe siècles. Particulièrement dédiée aux enfants, pour l’ouverture, diverses surprises à découvrir y seront cachées dans les vitrines (marsupilami, dinosaures, robots entre animaux et humains…).
. Le parcours promenade du palais épiscopal
L’étude archéologique et historique menée ces dernières années, dans le cadre d’un projet collectif de recherche a permis de mettre en évidence l’existence d’un noyau ancien. Tour médiévale fortifiée, toujours conservée en élévation au cœur du palais épiscopal remanié ensuite au fil des siècles pour arriver à sa configuration actuelle. Sans cesse reconstruit et agrandi, le bâtiment conserve de nombreuses traces de son histoire. Là encore, le visiteur est invité à voyager dans le temps : tout au long de la visite, un parcours signalétique spécifique lui permettra de comprendre et imaginer l’évolution du palais, et de lire les éléments encore visibles :
. Le noyau primitif de la résidence épiscopale : la porte romane en plein cintre à claveaux bichromes alternés la Tour épiscopale fortifiée primitive avec ses chaine d’angle, traces de toiture, ouvertures encore visibles.
. La résidence du XVe siècle et ses nouveaux décors : au rez-de-chaussée, un plafond charpenté sur arc déprimé au premier étage, un plafond à caissons peint à décors de grotesques, personnages mi-hommes, mi-animaux, l’escalier en vis qui desservait les ailes du bâtiment sur tous les niveaux
. Le palais épiscopal au XVIe siècle avec ses larges fenêtres à meneaux…
. Les agrandissements du XVIIe siècle : les larges fenêtres aux cartouches ornés des initiales du rénovateur le plafond à la française aménagé au sud de l’aile ouest, la grande cave voûtée à pile centrale aménagée dans l’aile nord.
. L’hôtel particulier du XVIIIe siècle : le grand portail fermant la cour d’honneur, les salons sur jardin, la boiserie du retable de l’ancien autel de la chapelle de l’évêque qui sera restaurée et remontée…
. Les transformations du début du XIXe et XXe siècles : l’escalier monumental à double volée de l’aile sud les planchers en diverses essences de bois.
Un programme architectural fonctionnel et technique : mai 2005
Etabli en collaboration avec un cabinet spécialisé, BL Associés (Jacques Lichnerowicz), il comprend toutes les conditions générales de fonctionnement du musée : surfaces dévolues aux diverses fonctions du musée, circulations et schémas des liaisons fonctionnelles entre les espaces (privées et publics), spécifications architecturales, éléments patrimoniaux à prendre en compte, spécifications techniques générales par espaces et type d’activité…
Parallèlement, il comporte des fiches synthétiques par activités (public, privé…) avec surfaces, schémas fonctionnels en particulier pour le parcours muséographique.
Les grands principes d’exposition par type de collections y sont aussi posés : climat, éclairage, type de vitrine…
4 – L’accompagnement du projet de 2007 à décembre 2013
Pendant toute sa durée, le projet est accompagné par une série de mesures destinées à optimiser la réouverture du musée et d’opérations de conservation et de diffusion :
La première est, au fur et à mesure de l’avancée du projet, un ensemble de recrutements destinés à renforcer et structurer l’organigramme de l’équipe qui, à la réouverture du musée atteindra près de quarante agents municipaux qu’il n’‘est bien sur possible de nommer ici même si leur rôle fut important pour mener à bien le projet et rouvrir le musée dans de bonnes conditions.
. Renforcement de la conservation avec le recrutement d’une conservatrice, Dorothée Deyries-Henry, spécialisée en art contemporain, missionnée particulièrement pour la réalisation d’expositions hors les murs et d’événements pendant la fermeture du musée.
. Equipe administrative, autour de Pierre Tauleigne, qui permettra de gérer tous les aspects parallèles à la rénovation-extension même.
. Equipe de médiation autour d’Olivier Lossi, construite à partir des deux axes forts des collections avec Laura Locatelli et Léna Hessing.
. Equipes technique et de surveillance autour d’Hervé Duboc, qui pendant la fermeture du musée effectuera, dans le centre de conservation et d’étude des collections (réserves) externalisé, un important travail sur les collections avec la régisseuse des œuvres Béatrice Roussel. Confirmées peu avant la réouverture, leurs missions seront renforcées en termes d’accueil et de montage des expositions.
. Bibliothèque-documentation destinée à être ouverte au public, avec Caroline Moreaux et Candy Khéniche, à partir du fonds de près de plus de 7 000 ouvrages mais aussi des nombreux dossiers d’œuvres, d’artistes … pour laquelle beaucoup restait à mettre en œuvre.
Grâce à ces recrutements, un certain nombre d’événements viennent aussi accompagner le projet. Evènements qu’il est impossible de tous citer ici, mais parmi lesquels on trouve :
. Dès fin 2006, avant la fermeture du musée, une exposition-dossier qui présente les projets des cinq architectes retenus au concours, avec la réalisation d’une maquette du projet de Jean-Paul Philippon permettant de mieux le visualiser.
. A partir de 2007 et pendant toute la durée du projet, des évènements nocturnes accompagnent (projection, performance de mixage vidéo et audio, …) le projet dans le cadre de la Nuit des musées ou de Lumières en fête. Tout d’abord dans le musée vide, la cour d’honneur puis sur les façades extérieures.. En juillet 2007, organisée avec le service Ville d’art et d’histoire dans le cadre des rencontres nocturnes c’est une visite théâtralisée du musée vide par Valentine Compagnie qui revisite avec humour le projet et les divers métiers du musée.
. Puis, après la grande braderie des éditions du musée sur la place des ormeaux organisée en juin, lors de la Nuit des musées de septembre 2007, le Dolium, pièce la plus grosse des collections archéologiques est la première enlevée par un camion-grue via le jardin.
. Toujours en 2007, dans un objectif à la fois artistique et mémoriel, une commande photographique est confiée à Jean-Pierre Bos. Elle concerne le second étage de l’aile nord du palais, qui seule a conservé sa physionomie du début du XIXe siècle avec l’agencement des pièces, les papiers peints recouvrant les murs… ces photos viennent compléter la série exécutée pour l’ancienne édition du calendrier-programme du musée, déjà intégrée aux collections.
. Commande complétée, à fin d’archive et de conservation, par la dépose par une restauratrice spécialisée, Bérengère Chaix, d’un élément de 60 x 60 cm de chacun des papiers peints trouvés dans ces pièces. Plus de soixante sont déposés : papiers muraux, bordures et soubassements, parfois en 9 couches superposées dont les couches les plus anciennes datant des années 1805-1810 et les plus récentes de 1905-1910. Ils sont le témoignage de l’histoire et de l’occupation de ces appartements par leurs différents propriétaires, depuis la vente du palais épiscopal en 1793 jusqu’à celle des derniers occupants, le personnel de l’évêché et celui du musée à partir de 1911. Parmi eux, bien que parcellaires, dans la salle à manger, les éléments restant d’un luxueux décor du début du XIXe siècle, à décor de faux marbre et de scènes mythologiques, que l’on peut dater des années 1800-1810.
. Des visites guidées de certains des espaces fouillés par les archéologues (cour d’honneur…) donnent aussi lieu à des visites guidées pour le public, en particulier en 2008 pour les journées du patrimoine. Elles seront accompagnées par l’édition, en collaboration avec l’INRAP, d’un dépliant largement diffusé, récapitulant les vestiges trouvés sur le site et leur évolution.
. L’édition d’une lettre d’information trimestrielle, réalisée par la conservation du musée en édition papier et virtuelle, accompagnera et rendra compte au public du projet du musée, de sa fermeture à sa réouverture, dans tous ses aspects ainsi que des évènements l’accompagnant : transfert des collections vers les nouvelles réserves externalisées, installation du chantier et avancées architecturales, fouilles archéologiques et étude du bâti, restauration des œuvres, enrichissement des collections, retour et réinstallation des œuvres…
. Après Permutations, afin de maintenir le musée vivant dans les esprits, une série d’expositions temporaires est aussi proposée dans divers lieux et en partenariat avec les amis du musée, des équipements de la ville et de l’agglomération tels la Comédie de Valence, Lux, l’ancienne imprimerie Céas, la Bourse du travail, mais aussi le Lycée du Valentin, ou encore la mairie de Saint-Donat, Platform (regroupement des FRAC), l’IAC de Villeurbanne…
Parmi elles, on peut citer Voyage sentimental ; L’Echappée ; Scénographies de Dan Graham à Hubert Robert ; Immersion ; Célébration, rêves de nature …
. En 2013, afin de signifier cette fois la réouverture du musée, une commande in situ a été faite au couple d’artistes suisses Gerda Steiner et Jorg Lenzllinger. Paysage au grand galop créé dans la première salle des collection, marque à la fois le début et la fin du parcours du visiteur en un paysage luxuriant constitué d’éléments naturels et artificiels, évocateur du lieu et des collections.
Au terme de ces longues années de travail où, un peu comme Pénélope à son ouvrage, il a fallu à partir des collections et du lieu imaginer et ré-imaginer, penser et repenser, écrire et réécrire des projets pour « des » musées, puis enfin pour celui visible aujourd’hui, persiste le plaisir et une certaine fierté d’avoir pu le mener à bien et de l’avoir vu se réaliser. Chance que finalement tous mes collègues n’ont pas forcément rencontrée.
Mais demeurent aussi, du musée d’hier au musée actuel, malgré parfois les difficultés et les affrontements mais heureusement aussi avec les rires et les cafés, la richesse des rencontres humaines et des amitiés de tous ordres tout au long de cette aventure : personnels du musée, collègues de travail de la Ville, élus, conservateurs, archéologues, chercheurs, restaurateurs, artistes et galeristes, enseignants, amis du musée, et public croisé dans les salles, et bien sûr Jean-Paul Philippon et son équipe avec qui le partage fut égal, qui tous ont permis à ce musée d’être ce qu’il est aujourd’hui dont les quatre années de chantier seraient encore à évoquer.