Dans les années 1970, 183 piscines Tournesol furent construites en France dont trois dans les départements de la Drôme et de l’Ardèche : à Valence, Privas et Beauchastel.
A Valence, comme un ovni, la piscine Tournesol s’est posée en 1975, à l’orée du parc Jean Perdrix et de la campagne, dans le quartier de Fontbarlettes. Depuis sa fermeture en 2016 pour vandalisme, se pose la question de sa destinée. L’histoire de cette piscine « en série » conçue par l’architecte Bernard Schoeller – et plus particulièrement de celle de Valence – est complétée par un état des lieux et par les perspectives de rénovation de cet ouvrage devenu iconique .

Auteure :
Chantal Burgard

Souvenirs d’enfance… les premières leçons de natation, la joie des baignades pour ceux qui n’ont pas la chance d’habiter ou d’aller en vacances au bord de la mer, les premiers « bébé-nageurs », un flot d’émotions surgit quand on évoque les piscines Tournesol.
Soucoupe volante, oursin, fleur ou demi-courge, premier jouet en plastique, briques Lego en couleur avec ses ergots comme des hublots sont les images enfantines attachées à cette architecture étonnante.
Au-delà de cette nostalgie de l’enfance, n’y a t-il pas aussi les qualités architecturales propres à cet objet singulier qui créent cet attachement ? Sa forme ovoïde enveloppante, sa voûte éclairée d’une myriade de hublots, ses volumes intérieurs colorés en plastique moulé ʺpopʺ.
Ou encore est-ce le côté magique de son ouverture estivale ? Tel le fond de scène du théâtre du Peuple de Bussang qui s’ouvre sur la forêt vosgienne.

Piscine Tournesol de Valence avant sa fermeture © Ville de Valence
Piscine Tournesol, ouverture estivale © Cité de l’Architecture et du Patrimoine/ David Liaudet
Théâtre du Peuple, Bussang © Chantal Burgard

Bernard Schoeller, architecte d’une icône des années 1970

En hommage à Bernard Schoeller (1929-2020), la Cité de l’Architecture et du Patrimoine à Paris expose les maquettes et les plans des piscines Tournesol dont il est l’auteur, et présente l’intérêt de cette architecture innovante : « La piscine Tournesol a ainsi assuré la reconnaissance tardive de son créateur, Bernard Schoeller. Elle a généré la passion d’un certain nombre de personnes dont David Liaudet, collectionneur des cartes postales qui les représentent, et Yann Cracker, animateur du site web « as-tu déjà oublié ». Elle a suscité de nombreuses recherches et publications. Elle est devenue l’une des icônes de cette période révolue où la création pouvait être fonctionnelle mais aussi inventive et ludique, inattendue et expressive, légère et accueillante » (*).

Maquette et perspective exposées à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine (galerie d’architecture moderne et contemporaine) © Chantal Burgard

Son histoire commence avec le programme ʺ1000 piscines ʺ

Un concours d’idées appelé ʺ1000 piscines ʺ est lancé en 1969 par le secrétariat d’État chargé de la Jeunesse, des Sports et des Loisirs. À la suite des mauvais résultats des nageurs français aux Jeux olympiques de 1968 et de plusieurs noyades de groupes d’enfants en 1969, ce programme vise à développer rapidement l’apprentissage de la natation grâce à la création d’équipements économiques en construction et fonctionnement.
Deux projets sont lauréats. La piscine Caneton (architectes Charras, Charvier et Aigrot) et la piscine Tournesol conçue par l’architecte Bernard Schoeller sont mises au point à l’aide de prototypes puis commercialisées.
L’architecte Bernard Schoeller associé à l’ingénieur Themis Constantinidis, invente un modèle dont la structure métallique permet d’ouvrir le dôme escamotable et de le transformer en piscine de plein air : « Passionné d’automobiles et de technique, il défend l’idée d’une architecture industrielle et expérimentale […] La coupole peut en effet se déplacer électriquement permettant de découvrir la piscine sur un angle de 120 degrés […] Ce parti-pris intéresse particulièrement les municipalités, car il permet de s’adapter aux saisons. […] Sa conception prévoit que sa coupole mobile soit largement éclairée par des hublots ovoïdes en Plexiglas. Cela accentue pour le baigneur l’effet de perspective. Le hublot inférieur a la taille d’une grande fenêtre » (*).

Projet Tournesol rendu au concours des Mille piscines, 1969 © Archives Bernard Schoeller

183 piscines Tournesol de ce type en France à la fin des années 1970 et au début des années 1980

La production en série de modèles – tels que les piscines Caneton et Tournesol, les Mille clubs -, permet d’en abaisser le coût : « Le point commun entre la politique des mille clubs et celle des mille piscines réside dans le fait que les communes apportent le terrain et prennent en charge l’entretien. Mais, il existe une différence notoire entre les deux types de constructions. L’État acquiert les Mille clubs auprès des constructeurs et les remet gratuitement aux communes. En revanche, l’État fixe le prix d’acquisition des mille piscines par les communes, avant déduction de la subvention qu’il accorde et des honoraires des architectes et du coût de l’étude du sol qu’il rembourse » (*).

Une architecture emblématique de l’industrialisation du bâtiment

Dès l’après-guerre, afin de répondre aux besoins de logements et d’équipements publics liés à l’extension des villes, le bâtiment s’industrialise avec des procédés préfabriqués de panneaux ou poutres en béton, des structures métalliques ou mixtes. Dans les années 1960, les architectes en cheville avec les industriels, recherchent d’autres formes et des matériaux plus légers, résistants et peu onéreux, telles les maisons Bulle à six coques en polyester armé avec méthacrylate de Jean Maneval (1923-1986) fabriquées en série et commercialisées. Tels les modules en double coque polyester qui augmentent le conteneur métallique « Tetrodon », aux gabarits de transports internationaux, conçus au sein de l’AUA (Atelier d’Urbanisme et d’Architecture).

Maquette du ʺTetrodonʺ exposée à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine © Chantal Burgard
Maison Bulle de Jean Maneval © Zerrobot/Jean Maneval
Revue L’Architecture d’Aujourd’hui, Préfabrication industrialisation, Janvier 1946 © Chantal Burgard

La mouvance ʺ pop cultureʺ du design italien, de l’univers futuriste issu de la BD, des architectures du groupe Archigram, a aussi une influence sur l’architecture : « Populaire, éphémère, jetable, bon marché, produit en masse, spirituel, sexy, plein d’astuces, fascinant », telle que la définit un des pionniers, l’artiste Richard Hamilton.

La piscine Tournesol : « une soucoupe volante » simple et ingénieuse

Bijou d’ingéniosité, son architecture allie légèreté, lumière naturelle et économie grâce à l’industrialisation de ses éléments. Les piscines, volumes exigeant des grandes portées, sont l’occasion de collaboration entre architectes, ingénieurs et industriels. Dès les années 1960, la piscine est pensée « stade ou centre nautique, accompagnée de services, clubs, cafétérias, restaurants, etc…nécessitant un investissement lourd et des coûts de fonctionnements conséquents »(*). De nouvelles structures sont alors expérimentées : arcs ou coques en béton, métalliques et tridimensionnelles, préfabrication ou coffrage à répétition comme pour la piscine Jean Pommier de Valence construite en 1965.

Une architecture du plastique

La coupole surbaissée de 35 m. de diamètre, de 6 m. de hauteur abrite un bassin de 25×10 m. et les annexes. La coupole peut s’ouvrir à 120 degrés, par pivotement des éléments mobiles sur un rail périphérique autour d’un axe central, « coupole autoporteuse composée d’une charpente métallique de 36 arcs (convergeant vers une clef de voûte) comportant une structure tridimensionnelle en treillis soudés mise au point par l’ingénieur Thémis Constandinis. Cette structure est recouverte de tuiles en plastique inaltérables que l’architecte étudie avec Matra-Plastique, produites selon des couleurs différentes, elles laissaient la possibilité aux municipalités de choisir parmi 6 coloris. Afin d’apporter une lumière naturelle dans l’ensemble du bâtiment, la coupole est percée de hublots […]. L’industrialisation des composants de ce modèle dont 85% furent fabriqués en usine (charpente, vestiaires, cloisons, couverture et équipements) explique son succès. » (*): « Chacun des 36 secteurs délimités par les demi-arcs est couvert de quatre panneaux galbés en matière synthétique […] un secteur sur deux est percé par les hublots. » (*). Les hublots ovoïdes sont en méthacrylate de méthyle post-formé de 4 mm. La couverture est constituée de matériaux composites de 140 tuiles, éléments Sandwich en polyester stratifié avec mousse phénolique intermédiaire. Seuls le gros-œuvre des fondations et des bassins ainsi que le carrelage sont traditionnels.

Création d’Archigram © Archigram/Index Grafik
Plan de la piscine Tournesol, Beauchastel © Observatoire Archi20-21, CAUE Auvergne Rhône-Alpes
Modules de cabine exposés à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine © Chantal Burgard

Dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, une pluralité de destins

Dans la Drôme et l’Ardèche, trois piscines Tournesol ont été construites à Privas, à Beauchastel et à Valence.
Dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, ont été détruites les piscines d’Ambérieux-en-Bugey, Pont-de-Claix, Chassieu, Décines-Charpieu, Villefranche-sur-Saône et Saint-Martin-de-Vinoux. Certaines sont fermées ou en sursis comme à Valence et Privas. D’autres sont en rénovation dans le Rhône (Charvieu-Chavagneux). Celle de La Mulatière a été rénovée en 2022, avec une couverture remplacée en zinc (architecte Chabanne).
Mais, outre celle de Beauchastel, d’autres fonctionnent toujours, après rénovation ou simplement entretien : Péage de Roussillon, Moirans, les Abrets, Sorbiers, Langeac, Bourgoin-Jallieu, Clermont-Ferrand.

La piscine de Beauchastel construite en 1975 est en activité.

Piscine Tournesol rénovée au Péage de Roussillon © Ville du Péage de Roussillon
Piscine Tournesol, Beauchastel (Ardèche) © Observatoire Archi20-21, CAUE Auvergne Rhône-Alpes

La piscine de Privas construite en 1976 est fermée depuis le 18 juillet 2019 et doit être démolie en 2022 sur décision de la commune : « Pour l’instant, si le devenir de la piscine Tournesol de Privas n’est pas assuré, celle de Beauchastel demeure en fonction et la structure intercommunale (*) qui en assure la charge a annoncé qu’elle allait s’engager dans une démarche de rénovation » (*). Pourtant l’ancienne piscine de Privas est investie en 2020 par le festival Point Barre pour un rendez-vous autour de la BD : « Le bassin se transforme en salle de spectacles, les vestiaires en lieu d’exposition et les extérieurs en espace de convivialité » (*).

Piscine de Privas avant sa fermeture © Dauphiné Libéré
Affiche du festival Point Barre, 2020 © Festival Point Barre

A Valence, dans le quartier de Fontbarlettes

A Valence, la piscine Tournesol est repérée comme édifice remarquable dans la carte de l’architecture du XXe siècle de Valence éditée en 2002, par la Maison de l’Architecture de la Drôme et Valence Ville d’Art et d’Histoire.
Elle est construite en 1975, à proximité du parc Jean Perdrix dessiné par les architectes-paysagistes Michel et Ingrid Bourne, et du château d’eau du sculpteur grec Philolaos (1923-2010). Sollicité par l’architecte André Gomis (1926-1971) urbaniste de la ZUP créée en 1962, il conçoit le château d’eau comme un signal urbain fort du lien entre les quartiers du Plan et de Fontbarlettes.
À la suite de vandalismes en 2015 et 2016, la piscine est depuis fermée ; d’après Renaud Poutot, adjoint aux sports de Valence, « « Ce sont des actes absolument gratuits, assez stupides et certainement très juvéniles », déclare l’élu, qui regrette que les auteurs ne se rendent pas compte des conséquences de leurs actes : la piscine est régulièrement utilisée par le triathlon, or ce sport à Valence a une équipe championne de France. Elle est aussi utilisée par le club handisport valentinois, qui est lui aussi champion de France. « Empêcher ces clubs-là d’avancer dans le parcours formidable qu’ils font, c’est extrêmement condamnable, en plus de l’acte lui-même » » (*).

Piscine Tournesol à Valence, nov. 2022 © R. Chambaud

L’histoire des piscines à Valence débute pendant la Seconde Guerre mondiale.

Dès 1942, la Ville de Valence acquiert des terrains pour y aménager des équipements sportifs (quartier des Baumes, Valensolles, Hauts Faventines, Polygone). En 1948, elle évoque un projet de construction de centre nautique populaire dans la Base Ville (*).


En 1963,
la piscine Jean Pommier au polygone est construite par les architectes Maillard-Ducamp. Elle inaugure l’un des premiers équipements avec des portiques préfabriqués en béton portant une couverture légère. En 1980, des travaux d’économie d’énergie sont entrepris.

Piscine Jean Pommier à Valence © Valence Romans Agglo.

En janvier 1972, dans le cadre de l’opération des « 1000 piscines », le secrétariat d’Etat à la Jeunesse, aux sports et loisirs demande par courrier au maire de Valence de confirmer son engagement sur la construction de la piscine Tournesol projetée, avec un bassin de 25 m., les plages et annexes fonctionnelles et une couverture mobile. « Elle doit s’implanter dans une zone d’influence démographique, avec l’existence d’un CES et des principaux services administratifs et intéresser une population entre 5000 et 15000 habitants » (*).
La collectivité finance le terrain, les études et coût préliminaires, l’aménagement des abords. « Par contre, les dépenses relatives de l’opération industrialisée seront réparties entre l’Etat et la Collectivité […]. L’état assurera la maîtrise de l’ouvrage, le montant de la participation forfaitaire de la collectivité, de l’ordre des de 600 000 F., couvert par un emprunt de la Caisse des dépôts et consignations » (*). Le permis de construire est déposé le 27 décembre 1972 et accordé le 8 mai 1973. Il faut noter que seul le plan masse du permis de construire est adapté au site de Valence, les autres plans sont des plans types correspondant au système industriel.

Plans du permis de construire (Archives de Valence, côte ACV 2400 W380) © Chantal Burgard

Depuis 2004, la Ville de Valence s’interroge sur le devenir de la piscine Tournesol

En 2004, à la demande de la Ville, un diagnostic technique élaboré par le BET Amex fait état des principaux problèmes et précise que la charpente peut être conservée ; en revanche il préconise la reprise de la peinture intérieure et le remplacement des « tuiles » en mauvais état par des plus épaisses et le changement des hublots (*).

En 2005, 30 ans après la construction de la piscine Tournesol, la Ville s’engage dans la réalisation d’un schéma directeur portant sur tous les types de natation et décide de la réhabilitation de la piscine Jean Pommier et de la création d’un nouvel équipement aquatique à Valence le Haut destiné aux sportifs, à la compétition, aux scolaires ainsi qu’aux familles durant la période estivale : « Cette opération étant attendue depuis quelques années, le future équipement ne devra pas décevoir la population locale, qui est en droit d’attendre un équipement aquatique répondant à ses attentes. Le futur équipement aquatique de Valence le Haut, devra pouvoir véhiculer une image dynamique et contemporaine qui confèrera au quartier de Valence le Haut une attractivité tout en s’accordant avec le projet plus global d’aménagement urbain » (*).

En juin 2014, une nouvelle étude de faisabilité fait apparaître les avantages économiques, techniques et architecturaux de 2 orientations : « soit la réhabilitation avec extension de la piscine, […] soit la construction d’un nouvel équipement sur le même site ou sur une parcelle contigüe (délimitée par les rues Mozart et Toscanini) » (*). Puis Léna Balsan, maire de Valence, et Nicolas Daragon, adjoint au maire, annoncent la destruction de la piscine Tournesol et la construction d’un complexe aquatique pour un budget 11M € : « Le projet devra s’inscrire dans la logique urbaine du parc Jean Perdrix et se raccorder à la trame verte de Valence le Haut » (*). Pourtant en 2017, est annoncée la construction d’un centre aquatique à l’Epervière (*). En 2018, la première pierre du centre aqualudique à l’Epervière est posée par le groupement Spie Batignolles. Il ouvre en décembre 2019. Depuis, silence… ! Or par manque de lignes d’eau et de maîtres nageurs depuis que deux piscines sur Valence ont été fermées, le club Omnisport, l’ASPTT Grand Valence, signale qu’aujourd’hui, l’inscription d’enfants et d’adultes, est refusée en particulier pour l’aquagym.

Schéma d’orientation 1 de la piscine Tournesol, quartier de Fontbarlettes © Chantal Burgard

Transformer avant de démolir : les rénover, une utopie ?

Après 50 ans d’usage, une pluralité de futurs possibles : démolitions, rénovations ou changements d’usage ?
Le statut patrimonial des piscines Tournesol n’est plus à démontrer. Leur vieillissement par manque d’entretien, leur vandalisme pour certaines, demandent réflexion et action politiques à l’échelle locale. A l’heure de la construction de complexes aquatiques hors des centres villes, énergivores, forts objets de communications politiques, il faudrait s’interroger sur la place des piscines de quartier propices à l’apprentissage de la natation, à la santé des habitants, à la détente en plein air.
« À la fragilité ʺnativeʺ de ces équipements qu’illustrent les recommandations très détaillées de l’impressionnant ʺGuide d’entretienʺ remis à chaque commune, notamment en termes de maintenance mensuelle – préventive ou curative – des tuiles de couverture, des hublots et de leurs joints en néoprène, se sont ajoutées des conditions extérieures qui ont facilité leur dégradation. L’arrêt de l’usage des matériaux plastiques dans la construction en raison des chocs pétroliers successifs, la distance prise avec leur esthétique singulière, la mode de l’aqualudique et les investissements conséquents qu’elle génère ont conjugués leurs effets pour créer une distance certaine entre les communes, leurs services techniques et ces constructions seventies »(*) . Cependant, les rénovations qui ont été menées depuis les années 2000, constituent des témoignages et expériences de rénovation utiles à la réflexion sur le devenir des piscines Tournesol. Certes, les changements d’usages, le changement d’équipements techniques ou d’aménagements intérieurs, peuvent altérer l’architecture et l’esthétique originelle. Néanmoins, ces métamorphoses témoignent de la singularité de cette architecture et de son ingéniosité.

Dès 1999, les piscines sont réhabilitées, rénovées, reconstruites.
Reconstructions à l’identique, récupérations d’éléments structurels ou techniques sur d’autres piscines démolies, rénovations à l’identique ou extensions, montrent l’intérêt de ne pas les démolir. Surtout ces équipements publics et sportifs à l’échelle de petites villes ou de quartiers excentrés sont absolument nécessaires pour l’apprentissage, la vie des quartiers et accessibles économiquement, ce que ne sont pas les centres aquatiques avec leur abondance de gadgets. Quelques exemples de reconstruction et de rénovation nous prouvent qu’ils dépendent d’une forte volonté politique de privilégier l’accès à tous au sport, et en particulier la natation. Ces rénovations témoignent aussi de l’attachement à ces piscines et de leur intérêt patrimonial.

Malheureusement, certaines rénovations plus « radicales » ne gardent que les bassins !
A Morbier (Jura), la piscine construite en 1975 est reconstruite dans les années 2000 avec une mise à 5 couloirs dans l’ancien bassin qui a conservé ses dimensions d’origine. Apparemment, n’ont été gardés que les bassins. A Saint-Saulve (Nord), créée en 1975, elle est restructurée en 2002 et n’a plus de coupole, idem pour celle d’Auby restructurée en 2015. A Bouguenais, construite en 1975, en activité, elle est profondément transformée en 1995.

Des réhabilitations respectueuses permettent le maintien de l’activité.
A Lorient (Morbihan), construite en 1978, la piscine Tournesol du Bois du Château est en activité et réservée aux scolaires et aux associations sportives (*).
A Passy
(Haute-Savoie), construite en 1975, la piscine Tournesol Marlioz est en activité, réhabilitée en 2014.

Piscine Tournesol du Bois du château, Lorient © Ouest-France
Piscine Tournesol de Passy © Ville de Passy

Parfois des reconstructions
A Blois, la piscine Tournesol inaugurée en 1976 est reconstruite après un incendie en 1999 ; la structure d‘origine a été remplacée. En activité, elle comprend un bassin sportif de 25 x 10 m., un bassin ludique de 100 m² avec banquette bouillonnante, cascade et courants, pataugeoire intérieure et extérieure de plus de 100 m², espace extérieur avec aire de jeux et solarium de 500 m².

Piscine Tournesol à Blois © Archives de la Ville de Blois et d’Agglopolys

Des rénovations ambitieuses soucieuses de respecter au mieux l’esprit du projet initial…

… s’adaptant aux questions d’énergie, préservent les coupoles et les bassins.

Elles gardent en général la structure de la coupole et son ouverture à 120° ainsi que le bassin. En revanche, elles réaménagent l’intérieur et remplacent souvent les hublots ou partiellement, par un éclairage zénithal en verrières. Les équipements techniques sont plus performants sur le plan énergétique. Des aménagements extérieurs et des extensions complètent les travaux.


A Lambersart (Nord) :« La municipalité a choisi de valoriser ce patrimoine. Thomas Hubert, adjoint au maire en charge du sport, explique que la ville s’apprête à investir 30 000 € dans la réparation de la piscine Tournesol, en panne depuis 15 ans. Il s’agit de remettre en état le toit ouvrant mais aussi d’installer une plage éphémère dès cet été. « Il y a aussi une nostalgie, alors quand on a communiqué sur le fait qu’elle allait rouvrir, les gens ont dit ‘ça me rappelle la piscine de mon enfance ; quand elle s’ouvre c’est sympathique’. C’est du patrimoine, du patrimoine de la ville et il est hors de question d’aller tout raser » » (*).

Piscine rénovée à Lambersat. © France Télévisions

A Langeac (Haute Loire), construite en 1975, « la piscine est en cours de profondes modifications, sa réouverture est prévue en 1923. Transformée en centre nautique dont l’objectif est de rénover la fameuse coupole, qui pourra toujours s’ouvrir aux beaux jours. La piscine réhabilitée, devenue centre nautique disposera alors de trois bassins, dont un bassin ludique et une pataugeoire. Sur le terrain attenant, un bâtiment doit sortir de terre. Il servira à loger les locaux techniques et les vestiaires » (*) .

Piscine de Langeac © CENT7 architecture

A Mauguio (Hérault), construit en 1978, l’Espace Aquad’Or a été rénové en 2020 : « Le chantier, d’un montant de 825 000 € (HT), a consisté à améliorer sa performance énergétique et à rénover les installations vieillissantes. Avec la société Dalkia, une pompe à chaleur en géothermie a été installée pour le préchauffage de l’eau, les chaudières et les pompes de filtration ont été remplacées et la gestion technique des bâtiments a été améliorée ». (*) Un toboggan a été rajouté. Les hublots ont été supprimés et remplacés par des verrières au sommet de la coupole.

Piscine de Mauguio © Midi libre

A Combs-la-Ville (Seine-et-Marne), construite en 1973, elle a été rénovée en 2017 et complétée dans l’esprit d’un centre aquatique, nommé « Camile Muffat », d’un espace ludique dédié à l’aquagym, d’un bassin de nage extérieur nordique de 25 m. et d’une pataugeoire pour les plus petits.

Piscine de Combs-la-Ville © Ville de Combs-la-Ville

A Lingolsheim (Bas Rhin), la piscine a été réhabilitée et dotée d’une extension en 2015. Les architectes (Urbane Kulture) « ont rénové la coupole à structure acier, amélioré sa thermique et maintenu son fonctionnement ouvrant sur 120 degrés. A l’intérieur, les vestiaires existants, démontés, libèrent une surface pour installer les trois bassins en inox et les plages sous la coupole habillée de résine et toile tendue. Indépendante de la piscine, la nouvelle extension, à la structure béton apparente et bardage aluminium, abrite le hall, les vestiaires, les bureaux et les locaux techniques » (*).


A Ferrette (Alsace), la piscine construite en 1978, est rénovée et « épouse les vertus de la durabilité. Derrière ce projet, l’architecte Philippe Dahan (Urbane Kulture) a donné un coup d’éclat à ce bâtiment historique plein de charme. Apporter une touche de contemporanéité à un bâtiment historique. […] sa piscine existante a été requalifiée, tout en gardant la simplicité de son concept original. De nouvelles qualités de confort et d’ambiance ont été ajoutées à ce bâtiment, qui se veut durable » (*).


A Sens, la piscine est rénovée en 2015 : éclairage zénithal en verrière, traitement acoustique…etc Cependant, à la suite de malfaçons et de dépenses énergétiques trop élevées, en 2019, « l’agglomération étudierait des scénarios alternatifs, dont celui d’une fermeture définitive à moyen terme » (*) . Elle est toujours en activité.


A Petit-Quevilly (Seine-Maritime), la piscine a perdu l’ouverture de son toit ouvrant à la suite de travaux de rénovation achevés janvier 2022.


Au Mans, la piscine des Ardriers construite en 1981 a été rénovée en 2007.


La piscine Tournesol des Abrets-en-Dauphiné (Isère) est rénovée en 2022 pour un budget de 5,9 M € HT de travaux, financé par la Communauté de Communes des Vals du Dauphiné. Cette rénovation introduit des équipements techniques et de design actuels : lambris de bois, mosaïques, luminaires à leds. Le cabinet Z Architecture affirme que son « objectif est de respecter cette singularité patrimoniale en valorisant le dôme caractéristique à la forte identité plastique. Sous cette coupole rénovée, un bassin de natation de 25 m. par 15 m. avec fond mobile sur 2 lignes d’eau et d’une aire de jeux d’eau sans profondeur de 30 m² sont créés. L’extension pour l’espace bien-être (jacuzzi, hammam, sauna) et locaux annexes (accueil, vestiaires locaux du personnel…) est aussi discrète et contemporaine que possible» (*).


La piscine « Raymond Mulinghausen » des Lilas (Seine Saint-Denis) : « C’est en effet en 1976 que la piscine des Lilas, qui sera rebaptisée […] plus tard du nom du champion de France de plongeon Raymond Mulinghausen, est construite. Victime d’un incendie 6 ans plus tard, la municipalité fait le choix de la reconstruire à l’identique en récupérant « des éléments d’autres piscines Tournesol abandonnées comme par exemple la charpente métallique de la piscine de Contes dans les Alpes-Maritimes » (*). La reconstruction à l’identique de cette piscine en 1983 atteste des possibilités de réutilisation des éléments constructifs et offre à ce titre des perspectives intéressantes (*).


A Biscarosse (Landes), la piscine construite en 1973 est inscrite au patrimoine architectural du XXe siècle de la région Nouvelle Aquitaine. Elle est rénovée en 2013 avec remplacement de la couverture et des menuiseries extérieures et réparation de la charpente.


A Saint-Ouen l’Aumône
(Agglomération de Cergy-Pontoise), la piscine des Béthunes a été sauvée de justesse après sa fermeture en 2017 et rénovée en 2019. Aujourd’hui en activité, quelle sera sa place face au futur projet de centre aquatique avec un bassin olympique ?

Piscine à Saint-Ouen l’Aumône © Agglomération de Cergy-Pontoise

Des changements d’usages, sportif et culturel, ont permis de conserver l’espace des piscines Tournesol.


A Loos (Nord), « un grand dojo, créé il y a 27 ans, a été installé en lieu et place de la piscine. Mais le bâtiment, la structure métallique et le dôme perdurent. Ce qui permet d’avoir aujourd’hui quelques 700 m² de tatamis, soit l’un des plus grands dojos de la métropole de Lille. Et sous les tatamis, on peut même accéder aux traces de l’ancien bassin ! » (*) .

Piscine de Loos transformée en dojo © France Télévisions

A Agde (Hérault), construite en 1975, la piscine René Carayon est transformée en 2011 en espace Arts du Cirque.


A Granville (Manche), un surf park avec une vague artificielle devait être aménagé dans la piscine fermée depuis 2018. La hausse du coût de l’énergie a fait abandonner les travaux. Le maire de Granville réfléchit « à d’autres formes de loisirs à développer sous le dôme de la piscine Tournesol, […] des alternatives moins gourmandes en énergies. Des bornes d’arcade, murs d’escalade, bar et restauration, babyfoots, trampolines, tir à l’arc mais aussi une piste de pumptrack (pour le skate) sont à l’étude » (*).

Du point de vue patrimonial, on sait que tout lieu « historique » n’a cessé de s’adapter, de se réinventer pour de nouveaux besoins et usages, un meilleur confort, une économie d’énergie.
A l’heure d’une économie circulaire, de la réduction de l’impact sur l’environnement, de la rénovation plutôt que la construction, ces exemples nous montrent que les piscines Tournesol ne sont pas seulement un patrimoine à préserver mais répondent aussi à une demande sportive de proximité.
A Valence, pour un quartier excentré, objet de multiples procédures de rénovation, maintenir un équipement public pour des quartiers ne peut que renforcer le lien social et son attractivité.

L’auteure remercie chaleureusement les Archives communales et communautaires de Valence Romans Agglo pour ses recherches.

Bibliographie
Piscine Tournesol, Beauchastel (Ardèche), Archi20-21 : intervenir sur l’architecture du XXe ; Observatoire CAUE Auvergne Rhône-Alpes
Hélène Caroux, Marie-Françoise Laborde, Atlas de l’architecture et du patrimoine, Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis/service du Patrimoine Culturel, 2022
La piscine Tournesol, chef d’œuvre en série, Architectures & Territoires, revue de l’Ordre des architectes Auvergne-Rhône-Alpes n° 8, juillet 2022, p. 38-39
Arnaud Zbinden, Piscine Tournesol – Sauvegarde et reconversion d’un objet technique et social, Master en architecture, École Polytechnique Fédérale de Lausanne, Faculté ENAC, 2022 / En ligne : https://infoscience.epfl.ch/record/297504#record-files-collapse-header
Bénédicte Chaljub, Piscines Tournesol, AMC, n°204, mars 2011