L’art-thérapie,
au service de la santé mentale
Tiphaine Vincent
Autrefois considérée comme une médecine parallèle, l’art-thérapie est aujourd’hui
« reconnue comme une médecine complémentaire » (*) qui se développe de plus en plus dans nos sociétés actuelles où le mal-être s’accentue entre les phases d’isolement liée à l’épidémie de COVID-19 et les pressions au travail, les rôles assignés à chacun (mère, père, femme, homme, enfant…) et la cyberviolence ou le cyber-harcèlement des outils numériques… Tiphaine Vincent, après son mémoire sur « L’art-thérapie peut-elle être un chemin d’air(e)-ance pour celui qui s’exile ? » réalisé dans le cadre de sa formation, s’est engagée dans la voie de la santé mentale et du soin, et nous fait découvrir ce domaine différent de la médiation artistique.
Auteure :
Tiphaine Vincent
Devant les difficultés mentales ou physiques, émotionnelles ou relationnelles d’un être humain, l’accompagnement de la personne peut se faire par des soins alternatifs à la médecine mais aussi complémentaires comme le yoga, la sophrologie… et aussi comme l’art-thérapie. Différentes approches de l’art-thérapie existent mais l’objectif reste le même.
L’art-thérapie, un chemin pour aller à soi
Tout d’abord l’art-thérapie se distingue de la médiation artistique qui offre l’avantage de remettre en contact le potentiel créateur de la personne et l’aider à travers la création à trouver des réponses. Il s’agit d’un atelier d’expression et d’une stimulation de la créativité : « La médiation, qui a une double vocation esthétique et sociale, s’appuie sur une proposition, faire vivre et valoriser une expérience artistique en proposant de mettre en dialogue les œuvres, la démarche créatrice (voire le ou les artistes) et les individus » (*).
L’art-thérapie n’est en aucun cas une démarche artistique. La production créative n’est pas considérée pour sa valeur esthétique mais pour sa portée thérapeutique. Il y a un phénomène transférentiel à prendre en compte. Elle s ‘ouvre à la relation et au mouvement psychique. On se situe ici dans un suivi. La pratique – qu’elle soit picturale, sculpturale, graphique, musicale, corporelle, orale ou scripturale – est proposée comme une ouverture vers un nouveau chemin et une rencontre avec la matière.
Ses différentes pratiques vont mettre en images ou en mots l’expression de soi et l’élan créatif ouvre à des questionnements. L’art-thérapie est une autre manière de déposer ses maux quand les mots viennent à manquer. Elle est complémentaire à un soin global de la personne. Elle peut être un appui dans des phases de deuil, de divorce, de perte de confiance, etc.
Exploration de soi, l’art-thérapie vise à dévoiler par la matière des bribes de notre vie. Ceci va permettre de mettre en lumière le monde intérieur de la personne et de porter une nouvelle attention sur son état d’être. Le mouvement artistique vient agir comme pulsion de la psyché et transformer la quête personnelle. Le cerveau va extraire des fragments de la vie pour libérer parfois des blessures profondes. En créant, l’être humain explore une autre facette de lui, et vient permettre à l’inconscient d’exprimer ce qui a pu être refouler. Ainsi Jean-Pierre Royol, docteur en psychologie et psychopathologie, définit l’art-thérapie : « […] cette méthode de soin consiste, en premier lieu, à créer les conditions favorables à l’expression, puis au dépassement des difficultés personnelles par le biais d’une stimulation des capacités créatrices. […] Créer, c’est découvrir quelques fils de l’inconscient dans les formes poétiques de l’inattendu ; et cette découverte permet au sujet souffrant de tisser de nouveaux compromis, de nouveaux liens dynamiques dans des espaces saturés de contradictions pathogènes » (*).
Le rôle de l’art-thérapeute
L’art-thérapeute est un professionnel qui a suivi une formation spécialisée mais n’a pas besoin d’avoir des qualités artistiques spécifiques. Il accompagne la personne dans la recherche introspective, la guide pour faciliter son expression créative, la stimule pour dévoiler une partie cachée et l’aide dans sa prise de conscience personnelle. Dans sa pratique professionnelle, l’art-thérapeute se doit d’être supervisé (psychanalyste, psychologue…) afin de mettre une distance entre ses propres affects et ceux du patient.
Les séances ont lieu dans des établissements hospitaliers, éducatifs, judiciaires, des EPHAD, des centres sociaux, des entreprises publiques ou privées ou dans un cabinet privé. La démarche de l’art-thérapeute peut être complémentaire à d’autres professionnels : psychologue, psychiatre, médecin, enseignant …
Après un entretien préliminaire, le thérapeute accompagne dans un cadre, sans jugement ni interprétation, le patient. Il travaille en amont sur un dispositif art-thérapeutique pour permettre à son patient d’errer dans un espace « secure », et de mettre en mouvement par le geste ce qui fait souffrance.
C’est le patient, lui-même, qui va cheminer et trouver ses propres solutions. Il va mettre en réflexion ses créations et s’offrir la possibilité de trouver les liens entre ce qu’il conscientise et ses vagues intérieures. Il arrive à porter un nouveau regard et à trouver une nouvelle énergie. Dans cet espace intimiste, le silence pourra guider des émotions enfouis. Très justement, Khalil Gibran affirme : « il y a un moment où les mots s’usent et le silence commence à raconter ».
L’art-thérapie, pour qui ?
L’art-thérapie s’adresse à tous, individuels jeunes ou âgées, couples ou familles, organismes, à toutes les personnes qui ont des troubles psychiques, angoisse, stress, deuil, séparation, perte de confiance en soi, épuisement professionnel…
Parfois on peut avoir une représentation de soi très négative par l’accumulation de mauvaises croyances, et cela engendre une forte perte de confiance en soi. Il est important d’apprendre à rétablir et à transformer son mental.
En faisant ce chemin de reconstruction, dans un suivi art-thérapeutique, la personne va apprendre à s’autoriser à se revaloriser, prendre une nouvelle posture, regagner confiance en ce qu’il est. Tout être possède la capacité de se réinventer pour être plus fort. Le mouvement créatif va permettre de déposer ses émotions en observant ce qu’elles représentent pour soi, sans qu’aucune habilité soit pré-requise.
Démarrer une thérapie, c’est oser enfin s’accorder de l’importance, s’offrir un temps d’écoute de soi. L’art-thérapie ouvre un chemin avec un autre horizon car il respecte l’intimité du sujet. La créativité ne vient pas figer, elle permet de se mettre en mouvement psychique. C’est aussi prendre des pigments de vie et venir les calquer sur la feuille, dans l’argile, dans la matière.
Les formations de l’art-thérapeute
Devenir art-thérapeute nécessite une formation sérieuse qui doit contribuer à une meilleure lisibilité de cette profession parfois galvaudée par de mauvais usages. En France, il existe plusieurs formations possibles, soit l’Institut de Formation PROFAC, soit la formation initiale (diplômes universitaires d’art-thérapie (UFR Médecine) à Grenoble et Lille ; formation d’art-thérapie Afratapem à Tours et Grenoble, etc) ; soit la formation continue qui permet d’approfondir des compétences ou d’en développer de nouvelles. Quelle que soit la formation, il est important que la certification ou le diplôme soit bien enregistré au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). C’est dans ce cadre que l’art-thérapeute comprendra l’importance de son éthique et qu’il prendra en compte le code déontologie spécifique à la formation suivie.
Pour enrichir sa pratique professionnelle, l’art-thérapeute ne doit pas hésiter à se former continuellement pour découvrir de nouvelles approches telles que la danse, la musique, l’écriture… afin d’adapter toujours mieux ses séances à la singularité du sujet.
BIBLIOGRAPHIE
Jean-Pierre Royol, Art-thérapie, quand l’inaccessible est toile, Ed. PROFACOM, col. L’impasse, 2017
Richard Forestier, Le métier d’art-thérapeute, Ed. Favre, 2014
Profession art-thérapeute, collectif, Ed. Elsevier-Masson, 2010