L’odyssée de ce duo commence par la série de sculptures ʺGarde-tempsʺ qui est pensée à partir de fruits et de leurs graines issus de plantes pyrophytes. Une première sculpture en terre est en cours de création, réalisée avec l’imprimante 3D céramique du 8Fablab, Laboratoire de fabrication numérique installé à Crest.
Auteur-e-s :
Marion Saxod et Charles Guerlain /
Q+E
M S – C G : Charles et moi, nous avons un intérêt commun pour le paysage et les jardins depuis de longue date bien que nos formations et professions soient différentes : Charles en tant que jardinier, avec une expérience notamment au Domaine du Rayol – Le Jardin des Méditerranées (jardin paysager conçu par Gilles Clément et situé sur la corniche des Maures, en face des îles d’Hyères sur la commune du Rayol-Canadel-sur-Mer) pendant quatre années et moi en tant qu’architecte d’intérieur-designer, métier que j’ai exercé pendant une dizaine d’années.
Le projet ʺGarde-Tempsʺ a commencé par la recherche iconographique et biologique de graines et de fruits provenant de plantes pyrophytes (qui se renouvellent par le feu) ; très nombreuses, elles viennent de contrées lointaines – d’Australie, de Californie… – et ont des formes fractales, organiques, des matières marbrées… Nous recherchons non pas une ressemblance avec une graine particulière mais plutôt une évocation d’un animal, d’un coquillage ou d’une chimère.
Plusieurs recherches sont conduites sur le matériau, la couleur de la terre, les textures. Nous avons choisi des grès roux et blancs chamottés, un matière naturelle et biodégradable offrant une porosité ; la céramique ne sera pas émaillée pour que le parfum introduit ensuite dans un vase en verre puisse se diffuser librement. L’utilisation de ces deux couleurs de terre provoque des dégradés et donne un aspect plus vivant.
M S – C G : Oui c’est la première expérience. Depuis longtemps, nous voulions expérimenter cette technique car c’est un outil merveilleux bien que nous ne soyons pas pro-technologies à tout-prix. Nous avions repéré et échangé avec la startup XtreeE engagée dans des recherches en impression 3D à grande échelle dans le secteur de la construction. Nous nous sommes tournés ensuite vers le 8 Fablab dont l’échelle était plus appropriée à cette première approche de l’impression 3D Céramique, avec un côté plus ʺartisanalʺ.
M S – C G : La complexité du projet n’a pas facilité la fabrication et a amené un constat paradoxal. Nous partons d’un être organique, vivant comme la graine et le fruit créés par la nature et nous travaillons avec une technologie qui est censée être très maîtrisée. Nous avons expérimenté une toute nouvelle fonctionnalité offerte par le logiciel d’impression pour parvenir à la construction de la partie haute de l’œuvre ; l’imprimante 3D a produit des formes aléatoires : c’était imprévisible de suivre son tracé et cela demandait beaucoup de concentration et d’interventions régulières. Avec cette technologie, la fabrication – qui reste lente – exige à la fois une attitude méditative et une attention constante. Un test d’une des parties de la sculpture peut durer sept heures…
Le parfum sera contenu dans un récipient en verre et se diffusera grâce aux petites fentes créées dans la continuité des fils de terre. Beaucoup de tests sont en cours pour trouver le parfum qui saura raconter une histoire.
Ensuite seront fabriqués le piètement en métal pour supporter 20 à 23 kg et le cerclage dans lequel sera posé le contenant du parfum, comme une goutte en verre.
L’objectif est de l’exposer dans un espace public et de vendre la sculpture dont l’édition sera limitée à 3 exemplaires. L’idéal pour nous est qu’elle soit implantée dans un jardin – comme celui du domaine du Rayol -, dans un espace où on la découvre au bout d’un chemin sinueux, d’un chemin de traverse, et qu’en s’approchant, son parfum saisisse le promeneur.
Notre projet ʺVent deboutʺ prend en compte les contraintes du commanditaire, du terrain et du climat ; il consiste à créer des immenses calderas (cratère géant d’un volcan) de 16 à 26 mètres de diamètre en sculptant simplement le terrain. Dans chacun des cratères, sera implanté un jardin particulier irrigué par l’eau de ruissellement et une vraie scénographie lumineuse sera pensée pour ce jardin.
Un autre projet est conduit avec l’Observatoire marin de Cavalaire-sur-Mer dont l’objectif est de mieux connaître les milieux littoraux et de sensibiliser les usagers.
Dans le cadre d’un appel à projet, nous avions travaillé autour de l’oya * , mais nous n’avons pas été retenus. Cependant, les échanges ont continué avec l’Observatoire marin et nous lui avons proposé une création à partir de posidonies, herbes marines qui échouent le long des plages et qui sont détestées par les baigneurs*, mais c’est une espèce totalement protégée.
Intégré au programme de sensibilisation sur cette espèce, le projet ʺCellariumʺ consiste à créer une œuvre, sorte d’écosystème marin, sur la plage. C’est une cabane-observatoire en bois de 16 m2 dans lequel le visiteur pénètre et se déplace comme un poisson dans des espaces remplis de tubes de posidonies en mouvement. Ces posidonies sont juste empruntées le temps de l’installation artistique et seront ensuite remises en place.
Si avec nos projets poétiques, notre démarche éthique et environnementale, nous pouvons contribuer à changer les préjugés sur les posidonies, les graines, les éléments naturels soi-disant indésirables… Nysa aura joué son rôle.
« Garde-temps » finalisé
Fabriquées à partir de l’imprimante 3D du 8Fablab à Crest en 2022, les deux parties de « Garde-temps » ont ensuite été réunies et emboitées dans un socle métallique. Les photos de Pauline Chardin s’attachent à la forme de la graine et à la texture de la terre révélées par les jeux de lumière et d’ombre, contrastant avec la végétation méditerranéenne.