De 1967 à 1981, Guy Bourdin (*), photographe de génie, a étroitement collaboré aux campagnes de publicité de l’entreprise JOURDAN et nous a laissé des images ébouriffantes, alors inconnues dans le monde de la communication commerciale. Cette collaboration était née d’une fructueuse rencontre entre Roland Jourdan (*), à la tête de l’entreprise et du photographe chéri de Vogue France, le magazine d’Edmonde Charles Roux. Roland Jourdan innovera dans tous les domaines, depuis le style des escarpins à talon aiguille, les accessoires, bijoux, parfums, jusqu’au développement du réseau de franchises qui assurera le rayonnement international de la marque.

L’entreprise JOURDAN avait été créée dans un petit atelier en 1921 à Romans par Charles Jourdan, puis la marque s’était rapidement développée dans le monde entier. En 1947, les 3 fils de Charles : René, Charles et Roland s’associeront pour prendre la succession. A l’arrivée en 1970 de GENESCO, le nouveau propriétaire, Roland assurera seul d’une main de fer la direction de l’entreprise jusqu’à la date de son éviction en 1981. Sous son impulsion, en s’appuyant sur une grande créativité et un savoir-faire local, JOURDAN se développera rapidement dans le monde. En 1970, le premier magasin JOURDAN sera inauguré à New-York et suivront de nombreuses boutiques et franchises aux Etats-Unis, à Londres, au Japon, en Amérique du sud… Après le départ de Roland Jourdan, l’entreprise déclinera : succession de nouveaux investisseurs, fermeture de sites et de magasins à Paris et aux Etats-Unis, plans sociaux et licenciements, lutte juridique autour de l’acquisition de la marque, jusqu’à la faillite et la liquidation en décembre 2007.

Pour la publicité de l’entreprise, Roland Jourdan avait laissé une totale liberté à Guy Bourdin, JOURDAN devenant ainsi un véritable mécène pour le photographe. Grâce aux publications, on peut découvrir ses images légendaires et son ingéniosité, notamment dans Guy Bourdin for Charles Jourdan (*) ou Guy Bourdin. A message for you (*).

Les photos de la campagne Jourdan racontent des histoires totalement originales, ambigües, souvent iconoclastes, décalées de l’objet chaussure initial, où l’on peut retrouver les influences du surréalisme, surtout celles de Man Ray (*), de films (Hitchcock…) ou de romans. La lumière est souvent crue, les couleurs sont saturées, le rouge domine. On y trouve du sexe et une forme de violence et de morbidité.
A l’époque, l’ambiguïté de la représentation de la femme dans les photos de Guy Bourdin avait déjà soulevé des interrogations; aujourd’hui, on peut imaginer qu’elles seraient difficilement acceptées… L’apport artistique de ces images reste cependant évident, puisqu’elles ont continué d’influencer artistes, stylistes, cinéastes et réalisateurs de clips vidéo…