A l’occasion des Jeux Olympiques de 2024, la revue Monumental publiée par les Editions du Patrimoine met en exergue des architectures et des patrimoines sportifs, dont les piscines. Un des articles, « L’affaire Tournesol. Un programme des piscines publiques dans les années 1970 », retrace l’histoire de ces piscines en France et fait référence à l’article sur la piscine Tournesol à Valence paru dans le numéro 6 de Q+E. Aussi nous proposons de revenir sur cet équipement valentinois laissé à l’abandon depuis 2016 et menacé de destruction, et de présenter quelques réhabilitations et reconversions réussies de piscines en France et ailleurs.

« Architecture et patrimoine du sport » est le thème de la revue Monumental, revue scientifique et technique des monuments historiques. Ce numéro s’attache à ce corpus composé de stades, hippodromes, refuges de haute montagne, stations balnéaires et de ski, piscines… ainsi qu’aux questions de protection, de conservation et de restauration. Equipements sportifs emblématiques, les piscines Tournesol font l’objet d’un article (ill. 1) illustré par la piscine municipale des Lilas en Seine-Saint-Denis, en couverture également de la revue. L’auteur, l’architecte Jacques Repiquet, rappelle le contexte et la construction des piscines Tournesol et se réfère à l’article sur la piscine Tournesol à Valence dans la revue Q+E qui « dresse un état du parc et amorce un inventaire des réhabilitations récentes » (*)

Quelles que soient les piscines, Tournesol ou autres construites au XXe siècle, toutes vivent des mutations particulières, entre l’abandon désolant, la réhabilitation et la reconversion remarquables.

Ill. 1 – Revue Monumental © Q+E

1 – Piscines en péril, en projet

Piscine Tournesol à Valence, menacée de destruction


A proximité du parc Jean Perdrix et des tennis de Valence-Le-Haut, cette piscine est conçue par l’architecte Bernard Schoeller (1929-2020) et l’ingénieur Constantinidis Thémis dans le cadre du programme ʺ1000 piscines ʺ porté par l’État afin de développer l’apprentissage de la natation grâce à la création d’équipements économiques et fonctionnels. Bâtie en 1975, cette piscine fait partie des 183 construites en France dans les années 1970. Recouverte de tuiles en plastique et éclairée par des hublots en plexiglas, la coupole, portée par une charpente métallique, peut s’ouvrir et se transformer en piscine de plein air.
Bien qu’elle soit repérée comme édifice remarquable dans la carte de l’architecture du XXe siècle de Valence (*) et par l’association DOCOMOMO France(*), la piscine Tournesol est laissée à l’abandon (ill. 2) depuis sa fermeture pour vandalisme en 2016 alors qu’elle pourrait être réhabilitée ou reconvertie en salle de sports ou en espace culturel comme le sont de nombreuses piscines.

 

Piscine Tournesol à Beauchastel, en projet

Quant à la piscine Tournesol de Beauchastel (ill. 3), elle est toujours en activité depuis sa construction en 1975. Ouverte entre avril et octobre, elle conserve le mécanisme d’ouverture et de fermeture qui fonctionne chaque jour, les cabines et la banque d’accueil en plastique jaune qui rappellent l’esprit « pop » des années 1970. Elle doit être rénovée en 2025 (*) par la communauté d’agglomération Privas centre Ardèche (Capca) : un choix politique responsable et courageux dans ce territoire contrasté de vallées et de montagnes.

Ill. 2 – Piscine Tournesol abandonnée, Valence, 2022 © R. Chambaud
Ill. 3 – Piscine Tournesol, Beauchastel, 2024 © Q+E/ Chantal Burgard

2 – Piscines sauvegardées, restaurées et réhabilitées

Piscine Tournesol à Beauvais, une seconde vie

Située dans le quartier Saint-Jean, la piscine Aldebert-Bellier a été réhabilitée par la Communauté d’Agglomération du Beauvaisis (CAB), déjà gestionnaire de l’Aquaspace au nord de Beauvais. Deux grandes ambitions ont motivé cette opération : « l’apprentissage de la natation pour les scolaires et la baignade loisirs pour les familles ».
Si la structure métallique, caractéristique des piscines Tournesol, a été sauvegardée et traitée, d’importants travaux (ill. 4) ont porté pendant deux années sur la consommation d’énergie et d’eau, sur la reprise du grand bassin et la création d’un nouveau bassin ludique et d’apprentissage, sur la construction d’une extension comportant un grand hall d’accueil, des vestiaires aux normes d’accessibilité. La piscine a réouvert cet été 2024 (ill. 5) : un bel exemple d’engagement d’une collectivité alliant conservation, création et préoccupation environnementale.
Ill. 4 – Piscine en cours de chantier, Beauvais, 2023 © R. Chambaud
Ill. 5 – Piscine de Beauvais réouverte en 2024 © Caroline Cayeux / Tribune Beauvoisienne

Bains municipaux de Strasbourg, un lieu de vie au cœur de la ville

Construits en 1908 par Fritz Beblo (1872-1947), les Bains répondent à l’époque à un besoin d’hygiène de la population. Ils sont composés de piscines, douches, sauna, solarium. Situé au cœur du périmètre UNESCO et classé Monument historique en 2017, cet édifice est singulier par son éclectisme architectural, alliant références antiques et néo-régionales, et techniques nouvelles par l’emploi du béton. La Ville de Strasbourg, propriétaire du bâtiment, a choisi de le restaurer et de le réhabiliter (*): mise en sécurité et en accessibilité, renouvellement des installations techniques, nouveaux aménagements comme la création d’un bassin Balnéo à l’extérieur (ill. 6) et d’un jardin de fraîcheur, d’une salle de sport et d’un espace fitness. Au-delà de la qualité de sa restauration et de sa réhabilitation achevées en 2021 (ill. 7, 8, 9), cet équipement se veut un lieu de vie ouvert sur le quartier et propose une programmation culturelle réalisée en partenariat avec les associations du quartier et la Ville de Strasbourg.
Ill. 8 – Petit bassin, Strasbourg, 2021 © Jérôme Dorkel / Strasbourg Eurométropole

3 – Piscines reconverties

La Piscine, le musée d’art et d’industrie de Roubaix

De style art Déco, cette piscine est réalisée en 1932 par l’architecte lillois Albert Baert (1863-1951). Elle est composée de quatre ailes bâties autour d’un jardin intérieur. Fermée en 1985, elle est conservée et réhabilitée en 2001 par la Ville en tant que symbole du socialisme municipal. Transformée en musée d’art et d’industrie par l’architecte Jean-Paul Philippon (*), elle conserve son bassin central entouré de sculptures et sa verrière colorée en forme de soleil, les anciennes cabines de douche reconverties en vitrines protégeant une collection de céramiques (ill. 10, 11). Devant le succès médiatique et public, une extension de 2000 m2 est réalisée par le même architecte en 2018 dédiée à l’Histoire de Roubaix, aux expositions temporaires et aux jeunes publics.

Ill. 10 – La Piscine, Roubaix, 2015 © JPBos
Ill. 11 – La Piscine, Roubaix, 2015 © JPBos

Bains de la Sauvenière à Liège, un espace citoyen

Ce complexe sportif est réalisé en 1938-42 par l’architecte Georges Dedoyard (1897-1988) qui s’est inspiré du courant artistique et architectural allemand Bauhaus. Il comprend deux piscines et des bains publics, une section d’hydrothérapie, un café-restaurant, un dancing une station d’autobus. De style moderniste, le bâtiment fonctionnaliste est construit à partir de formes élémentaires en béton armé et verre. Fermé en 2000 pour non-conformité, le bâtiment est peu à peu abandonné. En 2004 à l’initiative des Territoires de la Mémoire, l’asbl MNEMA est chargée du projet de réhabilitation (*) pour le transformer (ill. 12) en véritable pôle culturel basé sur l’éducation à la citoyenneté, le travail de mémoire et le dialogue des cultures. Classé comme monument au Patrimoine wallon, le bâtiment de 13 000 m² devient en 2014 la Cité du Miroir, avec espaces d’expositions (ill. 13), salle de spectacles, bibliothèque, espace restauration, salles de réunions, équipés des dernières techniques de pointe en termes d’isolation, de chauffage et d’éclairage. Cet ensemble s’inscrit pleinement dans le dynamisme culturel de Liège et contribue au nouvel essor du quartier Neujean.
Ill. 12 – Extérieur de la Cité du Miroir, Liège, 2024 © R. Chambaud
Ill. 13 – Intérieur de la Cité du Miroir, Liège, 2024 © R. Chambaud