© R. Chambaud

A la suite de la synthèse de l'après-guerre aux années 1970, ce second article s'attache aux années 1980 à 2010 marquées par une attention particulière au patrimoine, héritage de l'histoire de la cité, à la fois au niveau national et à l'échelle de Valence. « Le patrimoine comme ressource de la ville » (*)​ devient un véritable levier de développement urbain et culturel. Ainsi Valence s'inscrit dans cet élan dès les années 1980 et met en œuvre une démarche de valorisation du patrimoine et de démocratisation culturelle favorisant la revitalisation de la ville et notamment du centre ancien.

I • Contexte national, des mesures pour rapprocher patrimoine, urbanisme
et citoyens

• L'évolution des compétences en matière d'urbanisme et de patrimoine

Avec les lois de décentralisation (*) ​et de déconcentration (*) entre 1982 et 1992, les compétences en matière d'urbanisme et de patrimoine évoluent grâce au pouvoir donné aux collectivités territoriales, notamment au maire, et à la création de différentes lois qui vont favoriser l'intérêt pour les centres-villes, leurs architectures et leurs histoires. Les Zones de Protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) créées en 1983 sont remplacées en 2010 par les Aires de Valorisation de l'Architecture et du Patrimoine (AVAP) qui ont pour objet de «de promouvoir la mise en valeur du patrimoine bâti et des espaces dans le respect du développement durable » (*)​​​​​​​​ . L'interaction entre le patrimoine et le projet urbain, architectural et paysager marque alors pleinement ces trente années.

• Une nouvelle approche du patrimoine et l'implication des citoyens

Cette évolution se fait grâce à l'intérêt de différents ministères (*)​​​​​​​ et à la mobilisation de professionnels et d'associations d'habitants. Ces derniers jouent un rôle important car ils font évoluer la notion de patrimoine à partir des années 1970/80 qui n'est plus réduite aux seuls monuments historiques protégés. Sont progressivement pris en compte les témoins du passé, de l'habitat ordinaire aux héritages industriels, des sites naturels aux pratiques sociales, etc. Dorénavant l'objectif de glorifier la nation est délaissé au profit de la valorisation de la société et des réalités plus quotidiennes.

Ainsi ce n'est plus à l'Etat de définir ce qui fait patrimoine, mais c'est aux collectivités locales de le spécifier. Cette nouvelle responsabilité les amène à considérer les héritages très divers et parfois inattendus, à la fois matériels (industriels, maritimes ou gastronomiques) et immatériels (savoir-faire, pratiques sociales et culturelles) représentatifs d'une ville ou d'un territoire. Il s'agit alors de tenir compte de l'approche sociale, culturelle et symbolique d'un héritage pour les habitants et de répondre aux problèmes économiques depuis la désindustrialisation commencée dès les années 1970 et la tertiarisation des villes.

Ce nouvel intérêt pour le patrimoine et la mobilisation des Français se manifestent par la création en 1980 de l'« Année du patrimoine » (ill. 1) proposée par Valérie Giscard d'Estaing (*)​​​​​​ puis à partir de 1984 par la mise en place de « La Journée portes ouvertes dans les monuments historiques » (ill. 2) à l'initiative de Jack Lang, alors ministre de la culture (*)​​​​​ . Devant son succès auprès des Français, cette manifestation se déroule chaque année dans la majorité des villes françaises (ill. 3). En 1992 elle est rebaptisée « Journées nationales du patrimoine » (*)​​​​ et s'étend aux pays européens et enfin en 2000 elle devient « Journées européennes du patrimoine » (ill. 4) et « Heritage Days en s'internationalisant dans 50 États.

1 – Affiche « 1980 : Année du Patrimoine », par Raymond Savignac pour le Ministère de la Culture, édition 1980
2 – Affiche « L’histoire à monuments ouverts », édition 1984
3 – Affiche « Portes ouvertes. Monuments Historiques », édition 1991
4 – Affiche « Journées européennes du patrimoine » sur le thème « Patrimoine du XXe siècle », édition 2000.

II • Contexte local, le patrimoine comme outil de revalorisation de la ville

Dans le contexte de décentralisation, la Ville de Valence commence alors à prendre en compte le patrimoine comme facteur de revitalisation et d'amélioration de la qualité de vie notamment dans le centre ancien. Celui-ci constitue le cœur historique et témoigne de l'évolution de la ville à travers sa structure urbaine composée de rues étroites, d'habitations peu élevées, d'architectures de différentes époques et des principaux monuments historiques protégés. Les projets et les réalisations s'intègrent dans différents contrats cofinancés par la Ville, le Département, la Région et l'Etat (*)​ .

– Vers l'intégration du patrimoine dans les aménagements urbains

A la fin des années 1970, Valence n'a pas réussi à se développer comme Lyon, Grenoble ou Annecy et reste une ville moyenne malgré les fortes ambitions des années 1950/60. Face à cette situation morose sur le plan industriel et démographique et la complexité urbaine, l'équipe municipale d'Union de la gauche élue en 1977

(*)​​​​ va mettre en œuvre un nouveau paysage économique et culturel, les premières structures intercommunales et reconsidérer la place des infrastructures qui ont bouleversé la ville ainsi que la fonction du patrimoine comme outil au service de la revitalisation du centre ancien. De nombreux projets et constructions sont réalisés afin d'inclure le patrimoine comme un atout dans l'aménagement du territoire. Ce mouvement se poursuit avec les différentes équipes municipales (*)​​​ jusqu'au début des années 2010 à travers la restauration et la valorisation du patrimoine, l'activité culturelle particulièrement dynamique.

• Revitalisation du centre ancien et restauration des monuments historiques

Dès 1977, des mesures sont prises avec l'aide de l'Etat pour entreprendre la restauration d'édifices et la revitalisation du centre ancien (*)​​ . Ainsi la piétonnisation de rues dans la vieille-ville est lancée en septembre 1977 et sera inaugurée en juin 1978 (ill.5, 6) : tout d'abord Grande rue et rue Vernoux (ill. 7, 8, 9) puis rues Madier-de-Montjau, Emile-Augier, Cartelet et Bayard et ensuite en partie l'avenue Victor Hugo.
7 – Projet d’aménagement piétonnier Grande rue et rue Vernoux, dossier d’appel d’offres, septembre 1977 (Archives & Patrimoine de Valence Romans Agglo / 47w31)
8 – Projet d’aménagement piétonnier, plan de situation, septembre 1977 (Archives & Patrimoine de Valence Romans Agglo / 47w31)
5 – Valence. Les premières rue piétonne (Grande rue), photographie, 1978 © AD 26 (4 Fi 169, Photo P. Rio)
6 – Inauguration des rues piétonnes dans la vieille ville, Dauphiné Libéré, 24 juin 1978 (Archives & Patrimoine de Valence Romans Agglo / 47w31),
9 – Projet d’aménagement piétonnier Grande rue et rue Vernoux, plan de calepinage, septembre 1977 (Archives & Patrimoine de Valence Romans Agglo / 47w31)

Entre 1995 et 2005, plusieurs places sont réaménagées : places Briand, de l'Université et des Clercs (ill. 10), Champs de Mars (ill. 11). Des opérations de réhabilitation de l'habitat (OPAH) sont engagées afin également de redensifier le centre ancien occupé par une population pauvre et par des immigrés. Les premières restaurations de monuments historiques et de bâtiments anciens sont réalisées comme la Maison des Têtes (ill. 12), acquise par la Ville en 1978 (*)​​​ qui engage dès 1981 des travaux sur plusieurs années : cour intérieure, façade sur rue (ill. 13) et sur cour, passage d'entrée, couverture …) ou le Théâtre municipal rénové en 1997-2001 (*)​​ (ill. 14).

10 – Aménagement de la place des Clercs, 1999 © J-P. Bos
11 – Aménagement du Champs de Mars, 2000 © J-P. Bos
12 – La Maison des Têtes, carte postale, 1900 © Archives & Patrimoine de Valence Romans Agglo (B263626101_CP1773)
13 – Façade sur rue, Etude préalable d’Alain Tillier, 1992 (Archives & Patrimoine de Valence Romans Agglo / 154W12)
14 – Valence – Le Théâtre et l’Hôtel de Ville, carte postale, 1910-12 © Archives & Patrimoine de Valence Romans Agglo (B263626101_CP1691)

Un nouvel intérêt est porté sur l'histoire de Valence et les personnalités qui l'ont marquée : la statue de Désiré Bancel qui, après avoir été « oubliée » pendant 40 ans dans les jardins du musée, est installée en 1980 sur le boulevard Bancel (ill. 15) ; les statues de Montalivet de Championnet sont restaurées également. La sculpture contemporaine fait son apparition dans l'espace urbain et investit les places, les parvis, les parcs de Valence, dans le cadre de la biennale « Un sculpteur, une ville » organisée par la Ville de Valence avec les artistes : Mark di Suvero en 1990 (ill. 16), Etienne-Martin en 1992, Jaume Plensa en 1994.

15 – Esquisse pour l’implantation de la statue de Désiré Bancel (Archives & Patrimoine de Valence Romans / 101W5) 
Installation d’une sculpture de Mark Di Suvero, sur la place ses Ormeaux, 1990 © JP Bos
Plusieurs opérations sont mises en place, comme la Convention patrimoine (2002-2007) (*) ​​​qui prévoit la restauration de cinq monuments historiques du centre ancien de Valence : église Saint-Jean, Pendentif, maison Dupré la Tour, chapelle Notre-Dame de Soyons et temple Saint-Ruf. Puis en 2010, la Ville de Valence, parallèlement à l'élaboration du PLU, s'engage dans une procédure d'Aire de Valorisation de l'Architecture et du Patrimoine (AVAP) s'appuyant sur un diagnostic patrimonial (*)​​ .

• Protection de nouveaux monuments historiques
Avec l'élargissement de la notion de patrimoine, de nouvelles typologies et périodes sont prises en compte dans la protection de monuments historiques à Valence. Les typologies traditionnelles restent dominantes comme les édifices religieux : Chapelle des Capucins, XVIIe siècle (inscrite en 1997) ; Ancienne abbaye de Saint-Ruf « le Haut », XVI/XVIII/XIXe siècles (inscrite en 1999) ; Chapelle des Cordeliers, XVIIe siècle (inscrite et classée en 1983) et les hôtels particuliers : Hôtel de Pampelonne, XVIIe siècle (inscrit en 1981) ; Hôtel des Ponts-et-Chaussées, XVI-XVIIIe siècles (inscrit en 1983). Cependant apparait un intérêt pour le patrimoine des XIXe et XXe siècles et pour des catégories différentes : Kiosque Peynet (ill. 17), 1890 (classé en 1982) ; Gare (ill. 18), 1866 (inscrite en 1982) et également pour des villas de la fin du XIXe/début XXe siècle : Villa des Cigales et Villa Margot, fin XIXe/début XXe siècle (inscrites en 1997) ; Domaine de Valensolles, 1900 (inscrit en 2007).

17 – Valence – Champ de Mars – Le Kiosque, carte postale, 1910 © Archives & Patrimoine de Valence Romans Agglo (B263626101_CP1397)
18 – Valence – La gare, carte postale, 1902 © Archives & Patrimoine de Valence Romans Agglo (B263626101_CP1554)

• Repère et labellisation du Patrimoine du XXe siècle
Au début des années 2000, un premier intérêt pour l'architecture du XXe siècle se manifeste ; la Ville de Valence labellise en 2003 et 2012 des édifices « Patrimoine du XXe siècle ». Créé en 1999 par le Ministère de la Culture, ce label devient en 2016 « Architecture contemporaine remarquable » (*)​​​ : « Il signale les édifices et productions de moins de 100 ans non protégés au titre des monuments historiques. L'objectif poursuivi est de montrer l'intérêt de constructions récentes que tout un chacun peut habiter et fréquenter, de faire le lien entre le patrimoine ancien et la production architecturale actuelle, d'inciter à leur réutilisation en les adaptant aux attentes du citoyen (écologique, mémorielle, sociétale, économique…)». Toutefois ce label n'offre pas la même protection qu'un monument historique et est retiré quand l'édifice a plus de 100 ans comme la Maison dite « Villa Cessieux » d'Henri Joulie. Cependant ces édifices labellisés témoignent de la richesse de l'architecture moderne et contemporaine à Valence, de la diversité des patrimoines et des typologies enfin prise en compte.

– Génie civil / ouvrage d'art

. Château d'eau de Valence-le-Haut (1963-71) (*)​​​​​​​​​​​
– Architecture domestique
. Immeuble de logements dit « La Grande Maison » (1932) (*)​​​​​​​​​​
. Maison transformée en immeuble, dit Le Lycée (1930) (*)​​​​​​​​​
– Architecture civile publiqu
e
. Palais Consulaire (1924-27) (*) ​​​​​​​​
. Préfecture de la Drôme (1962-64) (*)​​​​​​
– Urbanisme et espaces aménagés
. Quartier Belle image (1952-65) (*) ​​​​​​
– Architecture artisanale commerciale et tertiaire
. Station-service Relais du Sud (1937) (*)​​​​​ (ill. 19)
. Immeuble de bureaux, siège social du Crédit Agricole (1975) (*)​​​​ (ill. 20)

19 -. Station-service Relais du Sud (1937), 2004 © Gilles Aymard
20 -. Immeuble de bureaux, siège social du Crédit Agricole (1974) © R. Chambaud

• Réhabilitation des édifices anciens et modernes et reconversion en lieux culturels

Pendant les années 1980-2010, la réhabilitation et la reconversion d'édifices anciens et modernes permettent d'accueillir plusieurs équipements patrimoniaux et culturels offrant ainsi une seconde vie à des lieux laissés à l'abandon dans le centre-ville ou sur la ZUP de Valence-Le-Haut.

– 1988 : le service Valence ville d'art et d'histoire, créé en 1985, est implanté dans une partie de la Maison des têtes, d'abord au RCH (espaces d'exposition, atelier pédagogique) puis au second étage (bureaux).
– 1993 : la salle des fêtes, place Huguenel, conçue en 1929 par Louis Brunel et rénovée en 1993, accueille la Comédie de Valence en 1997
– 1994 : l'École des Beaux-arts (*)​​​​​​​ (ill. 21), auparavant réparti sur quatre sites, investit l'ancienne école Cuminal bâtie en 1973 (*)​​​​​​ à Valence-Le-Haut. Les architectes Bernard Cogne, Bernard Penel et Robert Dussud réorganisent cette construction préfabriquée et conçoivent dans l'ancienne cour de l'école un espace couvert par une structure métallo-textile en forme de tente (*) ​​​​​.
– 1994 : le Centre de Recherche et d'Action Culturelle /scène nationale, créé dans les années 1970 et devenu LUX en 2006, est installé dans l'ancien cinéma Provence sur le boulevard Général de Gaulle. L'architecte Philippe Macary aménage deux salles de cinéma et des salles d'exposition ainsi que le hall d'accueil.
– 2005 : le Centre du Patrimoine Arménien (ill. 22), ouvert en 2005, est aménagé dans l'ancienne faculté de Droit par l'agence Brunel-Tézier qui a conservé l'enveloppe du bâtiment et réorganisé l'espace intérieur (*)​​​​ .
21 – Ecole des Beaux-Arts, devenu ESAD, 1994 © Bernard Cogne
22 – Centre du Patrimoine Arménien avant son extension, 2011 © CPA
• La ville repensée à l'aune des patrimoines
La planification urbaine devient une priorité au cours de ces années avec de nouveaux enjeux : penser la ville à long terme en fonction de nouveaux enjeux environnementaux, considérer les ressources du patrimoine, se réapproprier l'histoire, les paysages, les pratiques sociales. Deux exemples sont significatifs de cette démarche bien que le premier n'ait pas réussi à se concrétiser.
La reconquête des berges du Rhône : afin de supprimer la pollution atmosphérique et sonore de l'A7 et de retrouver le lien de la ville avec le Rhône – emblématique du patrimoine fluvial -, des réflexions sont engagées dès 1986 sur le déplacement à l'est de Valence de l'A7 et du trafic de transit routier de la N7. Quatre équipes internationales (*)​​​​ sont retenues en 1989 pour réfléchir à l'insertion urbaine et paysagère de l'A7 et de la RN7 déclassées, sur la réorganisation de la circulation au sein de la ville et sur l'aménagement urbain. Malgré l'intérêt des propositions, le projet de contournement est abandonné en 1992 à la suite de l'enquête publique défavorable et au refus du Conseil d'Etat. Le projet sera remis sur la table en 2009 mais sera ensuite de nouveau abandonné (ill. 23).
La reconversion de la caserne Latour-Maubourg : dès 2008, le site militaire devient un enjeu urbain important ; l'objectif est de restructurer les quartiers entre le Polygone et Latour-Maubourg et de prendre en compte la mémoire et l'identité du site tout en s'inscrivant dans une démarche de qualité architecturale, paysagère et environnementale. Le site de la caserne construite au XIXe siècle devient une nouvelle polarité urbaine entre le centre-ville et Valence-Le-Haut. En 2011 commencent les travaux de démolition d'une partie des bâtiments et la réhabilitation des grandes écuries et des deux pavillons d'entrée. Le bâtiment principal est conservé et sera reconverti en 2018 en Médiathèque-Archives de Valence Romans Agglo (*)​​​ .
23 – Valence – Reconquête des quais du Rhône, note d’accompagnement de l’étude préfaisabilité, Ville de Valence, 2009

Destruction et transformation des héritages identitaires de Valence

Pendant ces trente années, une attention aux projets intégrant le patrimoine est indéniable, cependant, on note aussi des constructions et des opérations d'aménagement urbain destructrices de la qualité d'un édifice ou de l'identité de Valence.

Ainsi le magasin « Les Dames de France » édifié en 1924 par Louis Bozon (1878-1965) dans un style Art Déco est réaménagé en 1994 pour devenir le Centre Commercial Victor Hugo. La façade est préservée mais l'espace intérieur et ses décors sont détruits et la rénovation a complètement banalisé le lieu.

Le bâtiment de la Préfecture, labellisé « Patrimoine du XXe siècle », est dénaturé en 1988 par l'extension destinée à accueillir les services du Conseil Général construite par la SORHA et l'architecte Pierre Traversier. L'escalier monumental est démoli et sa rigoureuse façade moderne est altérée par ces imposantes constructions post-modernes.

L'aménagement des boulevards haussmanniens entre 2004 et 2009 est un autre exemple de banalisation de l'espace urbain et de la disparition d'un patrimoine naturel. Construits sur les anciens remparts vers 1860, ces boulevards possédaient des allées de platanes (ill. 24, 25), espèce emblématique des allées provençales. Elles faisaient le lien entre le centre ancien et les faubourgs alors qu'aujourd'hui l'aménagement « routier » des voies de circulation automobile et des larges voies bitumées pour les bus (entre 25 et 62 mètres de large) créent une véritable rupture minérale et éclipsent les pratiques sociales, nient les représentations symboliques de l'arbre et son rôle dans la préservation de la biodiversité (*)​​​​ (ill. 26).
24 – Boulevard Bancel et Fontaine Monumentale, carte postale, 1920 © (B263626101_CP1590)
25 – Allées de platanes, boulevard Bancel, 2003 © J-P. Bos
26 – Abattage des platanes sur les boulevards, 2006 © J-P. Bos

– Etudes des patrimoines, valorisation et sensibilisation

Cette période voit le développement et la création de plusieurs équipements à vocation patrimoniale qui marquent durablement la vie culturelle de par leur implantation, leur programmation, l'ambition de démocratisation culturelle et de médiation du patrimoine.

• Le musée de Valence (ill. 27) : Créé en 1834 avec la bibliothèque , le musée occupe dès 1911 l'ancien palais épiscopal. A partir des années 1980, le musée connait une forte évolution avec la création de nouvelles missions dont le développement des publics (*)​​​​​​​​​ et de postes de conservation et d'animation. Afin de s'ouvrir aux différents publics, est mise en place une programmation dynamique d'expositions temporaires alternant archéologie, histoire, beaux-arts, art contemporain. Dès 1985, il est envisagé un projet de rénovation-extension qui sera confié en 2006 à l'architecte Jean-Paul Philippon (*)​​​​​​​​ . Soucieux de conjuguer architecture contemporaine et mise en valeur du patrimoine, il propose un nouveau parcours de visite, conçu à partir du programme scientifique et culturel , permettant de découvrir le palais, les collections d'art et d'archéologie et l'environnement. Il est inauguré en 2013.
• Le Centre du Patrimoine Arménien (CPA) (ill. 28)
Pensé dès les années 1990 et inauguré en 2005 par la Ville de Valence, le CPA retrace l'histoire des Valentinois d'origine arménienne, tout en l'intégrant aux questions de l'exil, des génocides, des diasporas et de la diversité culturelle. A partir de documents d'archives, d'objets et de médias, le parcours permanent présente les différentes phases, des origines du peuple arménien à son exil jusqu'à la vallée du Rhône. Parallèlement, sont proposées toute l'année des expositions temporaires alternant ou mêlant histoire, photographie, bande dessinée …, des rencontres, des conférences sur des sujets aussi bien historiques qu'actuels (migrations, conflits contemporains…), des actions de médiation auprès des publics. Le CPA est transféré en 2010 à la Communauté d'agglomération Valence Agglo, puis en 2017 à Valence Romans Agglo. Il sera agrandi en 2018 par l'agence lyonnaise Y. architectes.
• Ville d'art et d'histoire (ill. 29)
En 1985, Valence est une des premières villes labellisées « Ville d'Art et d'Histoire » en France (*) La convention est signée le 21 janvier 1985 entre la Ville et la Caisse Nationale des Monuments Historiques et des Sites (CNMHS). Ce label est attribué par le ministre de la Culture aux collectivités qui manifeste un réel engagement politique « à faire de la culture, de l'architecture et du patrimoine un projet local de développement ».
La Maison des Têtes, patrimoine emblématique de Valence, devient l'espace du service VVAH qui s'installe en 1988 au RCH (*)​​​​​​​ , met en place un programme de visites sur le patrimoine de la ville et présente la première exposition synthétisant l'histoire de Valence « Deux mille ans d'histoire de la ville, de l'Antiquité à la période contemporaine ».
Soucieux de diversifier les publics (*)​​​​​​ , le service VVAH développe régulièrement des activités grâce à la création dès 2005 d'un véritable service éducatif, à des collaborations avec les équipements culturels de la ville et des associations : Musée, Comédie de Valence, CRAC/LUX scène nationale, Centre du Patrimoine Arménien, Archives communales, médiathèque, Maison de l'Architecture de la Drôme… et avec l'Education nationale et la DRAC.
Une dynamique approche historique et patrimoniale de Valence :
Au-delà de son implication dans les projets d'aménagements urbains de la Ville et l'élaboration de diagnostics patrimoniaux, VVAH conduit un véritable travail de recherches et constitue un fonds documentaire qui permet de renouveler les thèmes de visites en prenant en compte différentes périodes et typologies de patrimoine : « périodes chronologiques, quartiers urbains, sites MH majeurs, sites naturels ou paysagers dans la ville, sites en reconversion, équipements, etc. ». Il produit également des outils pédagogiques d'accompagnement aux visites /ateliers, des éditions notamment les « édi-fiches patrimoine », le premier ouvrage historique approfondi Valence sur Rhône en 1991 (*) ​​​​​, la carte « Valence Architecture XXe » en 2004 (*)​​​​ ainsi que des expositions, d'une part au sein de la Maison des Têtes sur l'histoire urbaine de la ville, d'autre part dans d'autres lieux comme le Musée avec « Valence, 2000 ans d'histoire », ou l'Hôtel de Ville dans le cadre du centenaire de sa construction (1894).
A partir de 2010, le champ d'intervention de Valence Ville d'Art et d'Histoire se modifie et s'élargit avec la création des différentes communautés d'agglomération. VVAH devient Pays d'Art et d'Histoire dépendant dorénavant de Valence Romans Agglo et intervient sur 54 communes sans grands moyens humains supplémentaires.
27 – Musée de Valence rénové © Musée de Valence
28 – Centre du Patrimoine Arménien, parcours permanent © Valence Romans Agglo – Le Cpa/Jean Delmarty
29 – Editions sur les patrimoines par VVAH © Q+E

Cette synthèse couvrant ces trois décennies montre comment le patrimoine est devenu un atout dans l'aménagement de la ville, notamment dans le centre-ville, et dans la vie quotidienne, associant protection du patrimoine, aménagement urbain, valorisation culturelle, développement économique et touristique. Pour faire ville comme le décrit Patrick Boucheron dans sa leçon inaugurale intitulée « Ce que peut l'histoire » (*) ​au collège de France : « ce n'est que cela, une ville, cette manière de rendre le passé habitable et de conjoindre sous nos pas ses fragments épars ».

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2025-09-04T15:50:05+02:00
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