La photographie et l’œuvre majeure d’un photographe du XXe siècle, William Klein, sont au cœur de la programmation culturelle de Montélimar et de ses alentours de mai 2024 à janvier 2025. Grâce à la vitalité de l’association Présence(s) photographie, qui depuis 2013 propose chaque année un festival, celui-ci est en 2024 enrichie par la rétrospective de l’œuvre de William Klein (New York, 1926 – Paris, 2022) qui sera exposée au Musée d’Art Contemporain de Montélimar. Une programmation culturelle de qualité organisée par les acteurs de l’Agglo et ancrée sur le territoire, inscrite sur la route entre Paris/Lyon et Arles avec les Rencontres de la photographie.
Auteure :
Chrystèle Burgard
Le Festival 2024 présente une série d’expositions dans différents lieux au sein de Montélimar (*) et sur les rives du Rhône entre Cruas et Viviers (*). Au-delà des expositions, plusieurs rencontres, projections de films et de portfolios, médiations avec le jeune public… ponctuent l’événement, notamment la rencontre avec Pierre-Louis Denis, assistant de William Klein, qui permet d’introduire l’exposition « William Klein PLAY PLAY PLAY », rétrospective dédiée à ce photographe anticonformiste.
Les photos de William Klein : « une décharge d’énergie »
« La photo, pour lui, est une décharge d’énergie, sensuelle, violente. D’où le bouleversement du cadrage traditionnel, l’introduction à tous les niveaux, du hasard, de la déformation, du bougé » d’après Alain Jouffroy (*) . En effet, William Klein s’est saisi de la photo avec intrépidité après avoir commencé par la peinture à Paris. C’est en 1948 qu’il s’installe dans la capitale – découverte en 1937 au cours de son service militaire dans l’armée américaine – et qu’il y étudie la peinture dans l’atelier de Fernand Léger, une des grandes figures de l’art moderne, grâce à une bourse du G.I. Bill of Rights (*) ; il compose alors des peintures géométriques abstraites. Ses premières expérimentations photographiques (ill. 2), réalisées grâce à l’architecte italien Mangiarotti puis diffusées dans la revue Domus, sont audacieuses et dévoilent son intention « photo-graphique » que l’on retrouvera dans toutes ses productions. Elles sont repérées par le directeur artistique de l’édition américaine de Vogue, Alexander Liberman, qui le sollicite ensuite pour l’édition française de 1955 à 65 (ill. 3) aux côtés d’autres photographes tels Helmut Newton, Irving Penn ou Richard Avedon. William Klein renouvelle à l’époque l’approche de la mode en mettant en scène les mannequins au milieu de l’effervescence de la rue, des embouteillages urbains…, en les prenant de très près ou bien de loin au téléobjectif, loin de la photographie traditionnelle et maîtrisée de studio. Quel que soit le sujet – ville, foule, mannequin, sportif… – William Klein s’en saisit pleinement voire brutalement « avec un engagement physique qui fera le style Klein ».
Les publications d’un « ethnographe imaginaire »
A la demande du magazine Vogue, William Klein retourne en 1954 à New York pour travailler sur sa ville natale et produit un journal photographique, entre document et carnet intime, qui révèle toute la brutalité de cette ville mêlant critique sociale et nouvelle approche photographique et graphique où dominent les contrastes violents, les vues rapprochées des passants, le flou… Le livre New York est refusé par les éditeurs new yorkais et est édité en France en 1956 par les Editions du Seuil qui publie Rome (ill. 4) en1959 à la suite du séjour du photographe dans cette ville comme assistant de Fellini pendant le tournage du film Les Nuits de Cabiria. William Klein réalise deux autres livres sur des villes édités en 1964 : Moscou (ill. 5) et Tokyo (ill. 6) dont une sélection de photos est présentée dans deux espaces urbains de Montélimar (ill. 7). Il publiera régulièrement d’autres ouvrages : Close Up (1989), Torino 90 (1990), In & Out of Fashion (1994), William Klein Films (1998), Paris+Klein (2002), Contacts peints (2008), etc. ainsi que de nombreux catalogues et monographies. Il conçoit lui-même les maquettes de ses livres et renouvelle l’approche éditoriale en privilégiant les photos en pleine page, l’absence de légendes, les contrastes noir et blanc, les jeux typographiques affirmés, incitant ainsi le lecteur à s’immerger comme dans un film.
Les films d’un scrutateur
A partir de 1958 et pendant une dizaine d’années, William Klein se consacre principalement au cinéma. Son premier court-métrage en 1958 porte sur les enseignes lumineuses « Broadway by light ». Il réalise ensuite des films pour la télévision française, dont :
« Le Grand Magasin » (1963),
« Le Grand Café » (1972),
« Mode in France » (1985)
et la série « Contacts » (1990) consacrée à l’analyse de la photographie.
Il conçoit également des documentaires politiques ou contribue à des films collectifs, dont :
« Loin du Vietnam » (1967) coordonné et monté par Chris Marker avec Alain Resnais, Jean-Luc Godard, Joris Ivens…
« Grands soirs et petits matins » (1968-70) sur mai 68 (ill. 10),
« Festival panafricain d’Alger » (1969),
« Eldridge Cleaver, Black Panther » (1969) (ill.11),
« Muhammad Ali the Greatest » (1974) ;
ainsi que des longs-métrages de fictions, dont :
« Qui êtes-vous Polly Maggoo ? » (1966) (ill.12),
« Mr Freedom » (1968),
« Le couple témoin » (1976) …
et plus de 200 films publicitaires (Dim, Citroën…).
Les « contacts peints » d’un photographe iconoclaste
Dans les années 1980, William Klein retourne à la photographie sans toutefois abandonner le cinéma. Il conjugue alors la peinture, le graphisme et la photographie en agrandissant des extraits de ses planches-contacts, en les soulignant et en les encadrant avec un trait irrégulier peint avec une laque de couleur vive, rouge, bleu ou jaune. Soucieux d’interroger la démarche du photographe, ses choix et ses cadrages, il explique : « On voit rarement les contacts d’un photographe, on ne voit que la photo choisie. On ne voit pas l’avant et l’après » (*). Trouvant triste les images en noir et blanc, il peint directement sur le tirage agrandi, réalisant ce qu’il nommera des « contacts peints » (ill. 14, 15) et affirme : « Peindre sur des contacts n’est pas gratuit mais organique » (*).