Mobilité, urbanité, attractivité
d’une ville moyenne
2 – La reconquête des berges du Rhône, une ambition inachevée pour Valence
« La ville interface » Rodolphe Luscher (Suisse) © Archives Valence Romans Agglo.
Dès 1986 avec le schéma directeur et à la suite de l’accord entre la Ville de Valence et le Ministère de l’Equipement sur la programmation du contournement de l’A7 par, s’engagent des réflexions sur le déplacement à l’est de Valence de l’A7 et du trafic de transit routier de la N7. La consultation internationale d’idées sur l’insertion urbaine et paysagère de l’A7 et de la RN7 déclassées est lancée en 1989 et met en lumière des réflexions toujours d’une grande actualité, comme le montre dans cet article Jean-Luc Vernier qui à l’époque a suivi ce dossier.
Auteur:
Jean-Luc Vernier
Lors d’une soirée débat le 2 mars 1990, le maire de Valence Rodolphe Pesce annonce que les villes de Valence et de Bourg-lès-Valence ont décidé de lancer, avec le soutien financier du ministère de l’Equipement et de la Direction interministérielle à la ville, une consultation internationale d’idées sur le réaménagement des berges du fleuve et le devenir des espaces déclassés de l’autoroute A7 (*) entre Bourg-lès-Valence et Fiancey sur une vingtaine de km :
« Retrouver l’espace de l’autoroute pour nous aujourd’hui, c’est non seulement se débarrasser d’une nuisance importante, mais c’est également ouvrir la voie à un travail de fond sur la ville et l’agglomération nous permettant spatialement de raisonner à moyen et long terme ».
Que l’A7 longe le Rhône plutôt que contourner la ville par l’est a été revendiqué dès l’origine pour bénéficier à la dynamique de centre-ville. Les élus se sont rapidement aperçus de cette erreur et des lourdes conséquences urbaines de ce choix. La démarche initiée au début des années 1990 avait plusieurs objectifs dont celui d’impliquer l’état, les collectivités locales et les habitants sur l’intérêt d’une déviation de l’A7 et que chacun puisse mesurer le potentiel de développement des villes de Valence et Bourg les Valence notamment pour donner l’envie d’un changement et créer une volonté d’évolution de cette situation.
Bernard Huet- Marco Massa (France-Italie) « la ville historique »
Inspiré par la ville européenne classique et par le passé agricole de la plaine du Rhône, le parti général est de coordonner le développement urbain à la restructuration de la voirie en créant une « fragment linéaire affranchi du trafic lourd et ponctué d’espaces publics placés en position stratégique », en construisant un front bâti et une série d’activités entre le “port urbain” de Bourg-lès-Valence et l’Epervière. Le long du fleuve est ponctué de belvédères plantés et le pont Mistral est transformé en pont urbain avec une galerie marchande en référence au Ponte Vecchio de Florence.
Bernard Huet et Massa sont des architectes passionnés d’histoire et produisent un travail très précis sur l’espace public. Bernard Huet a réalisé notamment l’aménagement des Champs Elysées à Paris. Le projet de l’équipe basé sur l’attention à la mémoire du lieu et l’insertion dans la ville était de remettre de l’ordre dans l’espace libéré de l’autoroute avec des espaces ordonnés et précis insérant des ensembles bâtis sur de grandes emprises tout en travaillant le lien entre les places et les rues. Entre l’ile Giraudet aménagée en espaces verts, le bassin de joute devenu un port, le quai Thanaron se structure en quartier d’habitation et de services. A Valence, le quartier de la Comète et de la Basse ville sont réorganisés et bâtis de façon structurante en alignement avec les voiries.
Rodolphe Luscher (Suisse) « la ville interface »
Alexandre Chemetoff – Joan Roig – Enric Battle (France-Espagne) « la ville paysage »
L’équipe considère Valence comme étant une « ville théâtre » qui descend en gradins successifs vers le Rhône avec en fond de scène la montagne de Crussol. L’équipe propose de supprimer l’A7, dont il ne subsiste que des fragments pour l’histoire, de créer une coulée verte sur l’ancien tracé, d’aménager les quais entre l’ilot Girodet et le pont Mistral, le long de la Basse-ville et de végétaliser les zones au nord et au sud de l’A7 déclassée. Les relations entre les deux rives du Rhône sont développées et redonnent une « valeur sacrée » au Rhône. Enfin le bâti le long des terrasses est densifié.
“Faire disparaître toute trace de l’autoroute qui n’a permis aucun développement de la ville et n’a créé que des nuisances” d’après A. Chemetoff.
Massimiliano Fuksas – Alain Marguerit – Stephan Tischer (Italie-France)
« Valence, une ‘’vraie ville’’ »
L’objectif premier est de ramener la ville à son fleuve : l’A7/RN7 est réhabilitée en boulevard urbain, en créant progressivement des espaces et des constructions (habitations, équipements, parkings…) le long de la voie, en créant des passerelles, voire un téléphérique, un pont courbe entre Valence et Granges-les-Valence. Un quai est aménagé entre le bassin des Joutes à Bourg-lès-Valence et le quartier de la Comète à Valence ainsi qu’une promenade posée sur l’eau reliant l’îlot Girodet et l’Epervière et un complexe culturel à la place de l’Usine Fibrit (devenue depuis le parc Itchevan).
L’équipe veut avant tout faire passer un message « ‘la magie’ du retour en bord du fleuve » et utilise différents éléments pour la révéler comme un pont courbe dépassant le simple aspect fonctionnel de l’ouvrage en mettant de la poésie dans les déplacements, des immeubles vitrés à cheval sur les rives du Rhône où se reflètent la nuit les lumières de la ville et même un téléphérique qui donne à voir de nuit comme de jour le franchissement du Rhône comme un ravissement !
Les projets des quatre équipes sont présentés en mai 1990 et la Ville de Valence est saluée par son initiative et l’audace des réflexions sur la ville notamment dans différentes revues d’Architecture et d’Urbanisme. Cependant en avril 1992 à la suite de l’enquête publique défavorable (la DUP est favorable mais pas la mise en compatibilité des POS Plan d’Occupation des Sols) et au refus du Conseil d’Etat. Le projet de contournement est abandonné alors que la SAFER s’était déjà rendue propriétaire des terrains nécessaires au projet en Fiancey au Sud et le quartier des Couleures à l’Est de Valence.
Ne pourrait-on pas tirer des enseignements aujourd’hui des idées contenues dans les réflexions développées par ces équipes au travers des quatre projets en trouvant une adéquation avec les questions environnementales, de réduction de l’emprise urbaine et « d’ouvrir la voie à un travail de fond sur la ville et l’agglomération nous permettant spatialement de raisonner à moyen et long terme » comme cela a été exprimé par Rodolphe Pesce en 1990 ?
BIBLIOGRAPHIE
La consultation a fait l’objet de nombreuses publications dont :
- Le Moniteur, mai 1990
- Marc Lemonier, « Valence : ville et fleuve », Diagonal, n° 81, janvier 1990, p. 38
- Christophe Bayle, « Valence cherche de l’air », Urbanismes, n° 239, juillet-août 1990, pp. 92-95
- Alexandre Chemetoff, « Du jardin à la ville », Moniteur Architecture, n° 14, septembre 1990, p. 36
- « L’autoroute, la ville et son fleuve », Techniques et Architecture, n° 395, avril-mai 1991, p. 62
- Archiscopie, n° 34, octobre 2003, pp. 17-18
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