Les formes immuables

de Guillaume Bardet

Le designer et sculpteur Guillaume Bardet, vivant entre Dieulefit et Paris, a été sélectionné en juillet 2023 pour réaliser les cinq éléments principaux du mobilier liturgique de Notre-Dame-de-Paris en cours de restauration. Constamment à la recherche de l’immuable, il imagine avec virtuosité des formes épurées qu’il décline en objet ou en mobilier, tout en cheminant de l’univers du quotidien à celui du sacré.

Une déclinaison d’objets quotidiens, « L’usage des jours »

A

vec l’impressionnant projet « L’usage des jours », ce designer (*) a marqué profondément la Drôme. Pendant une année, du lundi 21 septembre 2009 au lundi 20 septembre 2010, Guillaume Bardet a dessiné un objet par jour.
Les 365 dessins à la main ou modélisés numériquement ont été ensuite fabriqués par lui-même et quatorze céramistes de la région de Dieulefit (*) ainsi que par l’entreprise CERALEP de Saint-Vallier pour les grandes pièces et par la Cité de la céramique de Sèvres pour les plus petites en porcelaine. Ce projet hors du commun reçoit en 2011 le Prix de la Fondation Liliane Bettencourt pour l’Intelligence de la main.
Après leur élaboration dans l’atelier temporaire installé dans une usine (*) à Poët-Laval (ill.1), ces 365 créations ont été présentées en 2012 au Centre d’art contemporain (*) au Château de Montélimar (ill. 2) à l’initiative de Hélène Lallier responsable de la programmation, puis au Grand Hornu Images en Belgique, au Musée de design et d’arts appliqués contemporains à Lausanne. Un livre-objet (*), à la hauteur de cet impressionnant projet, dévoile au fil des jours les pièces (ill. 3, 4), des dessins préparatoires et la mise en œuvre avec les différents contributeurs.
Avec ce projet, Guillaume Bardet a constitué une œuvre foisonnante de formes épurées et sinueuses, géométriques et délicates, de matières douces et contrastées, de jeux d’échelle et de couleurs – une œuvre hors du temps comme les sculptures d’Alberto Giacometti telle la Femme cuillère ou les nature-mortes de Giorgio Morandi.
1 - Pièces en cours dans l’usine à Poët-Laval © Sophie Zénon pour la Fondation Bettencourt Schueller
2 – Exposition « L’usage des jours » en 2012 au Centre d’art contemporain au Château de Montélimar © B. Adilon
3 – Livre-objet « L’usage des jours » de Guillaume Bardet
4 – Dessins de Guillaume Bardet, Livre-objet « L’usage des jours »

Une série de mobilier intemporel pour un usage liturgique

C’est de nouveau avec une entreprise drômoise que Guillaume Bardet a conçu le mobilier liturgique de Notre-Dame : la fonderie Barthelemy Arts située à Crest spécialisée dans le bronze et le travail avec des artistes et designers comme Garouste et Bonetti. Il conçoit avec l’équipe de la fonderie cinq mobiliers (l’autel, le tabernacle, le baptistère, l’ambon, la cathèdre et ses sièges) et choisit le bronze qui est pour lui « un mélange de la pierre et de la terre, modelable comme la terre, avec la puissance de la pierre ».
Soucieux de s’adresser aux chrétiens et également aux visiteurs de la cathédrale Notre-Dame, Guillaume Bardet a conçu des formes simples, discrètes mais présentes dans cet environnement minéral et cette architecture puissante (ill. 5, 6). Chaque pièce cherche non pas à s’imposer dans ce contexte mais à exister sobrement et éternellement (ill. 7, 8, 9, 10). A la recherche de l’immuable d’après le designer, celui-ci souhaite que ses « pièces embrassent le passé, vivent le présent et accueillent le futur ».

5 – Vue d’ensemble de la cathédrale Notre-Dame, Paris © G. Bardet
6 – Vue d’ensemble de la cathédrale © G. Bardet
7 – Ambon © G. Bardet
8 – Cathèdre et sièges associés © G. Bardet
9 – Tabernacle © G. Bardet
10 – Baptistère © G. Bardet
Parmi 69 artistes, Guillaume Bardet a été sélectionné par un comité artistique et l’archevêque de Paris (ill.11) pour la « lisibilité immédiate » de ses pièces, pour la « puissance de vie » et la « force apaisée » qu’elles dégagent.
Dans le cadre de la création du nouveau mobilier pour la cathédrale, deux autres artistes ont été choisis : Jeanne Vautrin pour les chaises, Sylvain Dubuisson pour la châsse-reliquaire devant abriter la Couronne d’épines, le fragment du bois de la croix et le Clou de la Passion.
11 – Maquettes présentées au comité artistique © G. Bardet
Pour Guillaume Bardet, ce n’est pas le premier projet en lien avec le domaine religieux et mettant en œuvre le bronze. Grâce à la Fondation d’entreprise Martell

(*), il a réalisé l’installation La Cène, appartenant à la série Fabrique du présent, présentée en 2017 au Couvent dominicain Sainte-Marie de La Tourette (ill.12, 13) ; « Après Le Mobilier immobile et L’Usage des jours, La Fabrique du présent s’est imposée à moi comme l’espace où interroger ce tremblement propre à l’homme qui en fait sa radicale singularité́ dans la conscience qu’il en a. (…) La Fabrique du présent, c’est le désir de faire des objets qui ont la puissance du croquis. Sa rapidité́, son efficacité́ et son paradoxe. La cire permet cela. En imaginant ces objets-croquis coulés dans du bronze, je cherche à faire exister un univers local et puissant. »
Actuellement le designer est dans la délicate et longue phase de fabrication du mobilier liturgique de Notre-Dame avec la fonderie Barthelemy Arts en vue de l’installation à l’automne 2024. Puis, il continuera son chemin certainement en inventant une autre série singulière toujours hors du temps.

12–La Cène, 2017 © G. Bardet / Fondation d’entreprise Martell
13 –La Cène, 2017 © G. Bardet / Fondation d’entreprise Martell

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