Dans l’article « L’ancien hôpital de Crest. Les transformations du site Sainte Marie de 1789 à aujourd’hui », Félicia Révay présente l’histoire de ce site composé de trois bâtiments : l’ancien couvent des Cordeliers du XVIIe siècle transformé en 1789 en Hospice (Bâtiment B), le bâtiment A construit entre 1924 et 1930 puis modifié en 1950, enfin le troisième bâtiment (C/D) plus récent occupé par une maison de retraite.
Avec l’appui de l’EPORA (Etablissement public foncier local de l’Ouest Rhône-Alpes) et de bureaux d’études, la Municipalité a choisi parmi 5 scénarios d’intervenir sur cet ensemble d’environ 10 000 m2 de surface de plancher (ill. 1) et envisage :

• La création d’un hôtel 3 étoiles dans le bâtiment B (3500 m2) exigeant la destruction des 3250 m2 de planchers du bâtiment A, l’espace ainsi libéré devenant une grande esplanade avec piscine privée (un parking semi-enterré publique sous cette esplanade est mentionné comme option possible).
• La création de logements en accession à la propriété (2500 m²) dans les bâtiments C/D.

Au-delà des impacts financiers, environnementaux, urbains et de la méthode de la municipalité utilisant la politique du fait accompli, les enjeux patrimoniaux de ce site sont multiples. Ils s’appuient sur la définition du patrimoine comme un ensemble de biens, matériels ou immatériels, créant des liens entre les générations, aussi bien passées qu’à venir. Ainsi ces trois bâtiments présentent un intérêt patrimonial pour :

• Leur valeur historique :
  Ils témoignent de l’histoire de Crest à travers les différentes fonctions que ces édifices ont eues, du XVIIe siècle à nos jours : couvent, hospice, hôpital, maison de retraite… Ils racontent aussi bien l’histoire religieuse, sociale, que celle de la santé publique et privée, dans un continuum spatial et temporel.
• Leur valeur mémorielle :
  Ils sont les témoins de la mémoire des Crétois qui ont vécu des relations humaines dans ces lieux, des souvenirs aux expériences sur le plan familial, amical ou professionnel. Cette mémoire orale est aussi importante que le bâti et relie une communauté, un quartier, une ville… et représente le patrimoine culturel immatériel.
• Leur valeur architecturale :
  Au-delà de l’intérêt de l’ancien couvent du XVIIe siècle et de la chapelle inscrite au titre des Monuments historiques, le bâtiment A construit entre 1924 et 1930, puis modifié en 1950, témoigne de l’architecture moderne du XXe siècle, souvent contestée par manque de connaissance et de reconnaissance. Cependant celle-ci est aussi intéressante que des édifices plus anciens car elle développe de nouveaux principes : fonctionnalisme (rapport forme/usage), rationalisation des espaces et des circulations, emploi de nouveaux matériaux, intégration des questions hygiénistes et sanitaires (lumière naturelle, ventilation…).

Les trois bâtiments offrent de nombreuses possibilités de réhabilitation sans aller jusqu’à la démolition du bâtiment A. En effet celui-ci avec ses 3250 m2 de surface est en bon état (ill. 2), conserve des espaces fonctionnels (ill. 3, 4) et des éléments architecturaux comme l’escalier digne d’intérêt (ill. 5).

En conclusion, il convient de rappeler l’actualité des orientations de l’UNESCO concernant «Une nouvelle vie pour les villes anciennes» : « L’approche centrée sur le paysage urbain historique dépasse la conservation de l’environnement physique, pour appréhender l’ensemble de l’environnement humain dans ses éléments matériels et immatériels. Elle vise à améliorer la durabilité des processus et des projets de planification et d’aménagement en prenant en compte l’environnement bâti existant, le patrimoine immatériel, la diversité culturelle, les facteurs socio-économiques et environnementaux et les valeurs des communautés et des populations locales ».
Et aussi la méthode de travail appelant « à l’élaboration et à l’inclusion de politiques et de stratégies associant étroitement les communautés locales et les groupes de personnes concernées, en prenant en considération les traditions, disciplines et pratiques qui leur sont propres en matière de conservation, ainsi que les dimensions immatérielles du patrimoine et tous les aspects de l’identité et de la diversité culturelles des communautés locales, en tant que partie intégrante d’un paysage urbain historique ». (*)