© Montage La Forme/ photographie R. Chambaud

Démontrer la diversité du design dans notre quotidien est l’intention de l’association, LA FORME, regroupant des designers pour qui le design est avant tout un processus de pensée qui s’applique à tous les domaines, « de la petite cuillère à la ville » comme l’affirmait Ernesto Rogers. Au-delà des objets, du mobilier ou des créations graphiques, le transport, la santé ou les logiciels sont les nouveaux domaines de recherches, d’expériences et de productions intégrant des préoccupations aussi bien environnementales, sociales qu’esthétiques. C’est à l’occasion du Design Week 2025 sur le thème du « design utile » que LA FORME montrera du 24 au 28 septembre à Valence la richesse du design à travers des expositions, rencontres, films, performances…

Q+E – D’où vient l’idée de créer LA FORME dans la Drôme ?

LA FORME – L’Agence de design ENTREAUTRE installée à Crest est la première à participer à l’événement annuel de France Design Week, évènement national mis en place par l’APCI (Agence pour la promotion de la création industrielle) en 2020. Puis en 2023, dans le cadre de cet événement sur la thématique « VIVANT, VIVANTS », la galerie Imprints, La Fab Unit, Brest Brest Brest, l’Agence de design Entreautre et Ibo-Design mettent en place à Crest un événement qui met à l’honneur le meilleur du design drômois dans deux lieux, l’un à la galerie Imprints, l’autre dans Le Hangar. Une quinzaine de designers de tous champs (espace, produit, mode, graphisme…) présentent leurs créations : LA FORME #1 est née.
En 2024, LA FORME #2 sur le thème « Simplicité » présente pendant une journée différents designers dans l’espace municipal Jeanne de Flandresy à Valence (ill. 1, 2, 3) et s’élargit en accueillant des étudiants des formations en Design et Métiers d’art de Valence : DNMADe Objet, bijou, matériaux et usages du Lycée Amblard, DNMADe Animation de l’ISTM-Montplaisir, et Design Graphique de l’ESAD. Cette seconde édition a été coordonnée par Mathilde Mestrallet, enseignante en Arts appliqués au Lycée Amblard. La dynamique créée entre designers nous a donné envie de continuer, de s’organiser en amont et de développer plus de rencontres sur la question du design avec différents partenaires.
1 – LA FORME #2, Valence, 2024 © Studio Odette
2 – LA FORME #2, Valence, 2024 © Bold Design
3 – LA FORME #2, Valence, 2024 © Studio Odette

Q+E – Quels sont vos objectifs et vos projets ?

LF – On a souhaité tout d’abord se structurer en novembre 2024 en créant l’association LA FORME qui a pour objectif de valoriser le design, l’art et les métiers d’art dans la Drôme en montrant le pouvoir d’innovation et de transformation de ces disciplines. Le conseil d’administration comprend les initiateurs de l’événement : Arnaud Jarsaillon, Mathilde Mestrallet, Carole Thourigny, Julien Benayoun, Stéphane Collin.

En 2025, notre ambition est de mettre encore plus en valeur le design et les métiers d’art en diversifiant les actions du 24 au 28 septembre. Sur la thématique de « design utile », LA FORME #3 propose une exposition pendant deux jours dans la salle des Clercs à Valence avec une trentaine de designers et d’étudiants du Lycée Professionnel Amblard (DNMADe Objet, bijou, matériaux & usages), de ISTM Montplaisir (DNMADe animation), de l’ESAD, Design graphique. Et également une série d’événements dans différents lieux offrant des rencontres entre les créateurs et les publics.

Q+E – La thématique proposée par France Design Week est en 2025 « Design utile », comment traitez-vous ce sujet ?

LF – L’exposition ne donnera pas une définition de l’utile mais posera différentes questions en offrant la liberté à chaque exposant de proposer sa définition. Il y aura donc un panel de réponses. Ainsi Isabelle Bourbonnaud, designer d’objets et d’espaces (Ibo-design) évoquera la notion de rêverie à travers des petites sculptures et des dessins en volume supports à l’évasion (ill.4). Alors que La Fab Unit, manufacture recyclant et fabriquant des objets à partir des déchets plastiques du territoire, présentera du mobilier opérationnel (ill.5).
4 – Isabelle Bourbonnaud, Ibo-Lisiaires 1 © Ibo design
5 – La Fab Unit, Chaises Arche © La Fab Unit

Q+E – Parmi vos objectifs, vous avez l’ambition de populariser le design ; pourquoi et comment ?

LF – Le sujet du design est très vaste et est partout mais n’est pas bien compris en France ; il n’y a pas une réelle culture du design. C’est l’ambition de France Design Week qui souhaite mieux faire connaître le design en décentralisant cet événement dans les régions. C’est aussi revenir sur l’image du design qui est souvent faussée par les magazines, les reportages qui contribuent à diffuser des idées reçues. Le fait de se confronter aux projets et aux professionnels, de découvrir ce que sont les différentes formes de design – graphisme, scénographie, objet, mobilier, animation… – permet d’avoir une approche pédagogique et de dépasser les préjugés sur le design. Et également d’aller plus loin, car à force de s’organiser, de se rencontrer entre créatifs et de monter des projets ensemble, pourquoi ne pas réfléchir à une formation autour du design objet-espace qui n’existe pas dans la Drôme particulièrement riche en designers.
Il y a également le design social, qui est un travail de service autour de la relation et de rencontres entre les personnes ; à travers des projets, c’est créer une synergie citoyenne qui s’inscrit dans un territoire comme par exemple la transformation d’une place de village en corrélation avec ses habitants. Il touche à la politique et à la question du vivre ensemble.

Q+E – Quel parti scénographique allez-vous prendre dans la salle des Clercs à Valence, qui n’est pas un espace d’exposition facile ?

LF – Notre intention est de mettre en résonance les pièces les unes avec les autres. On laisse la liberté à chaque participant de faire jaillir leur interprétation du design utile. Ça sera la troisième expérience de LA FORME qui élargit cette fois le nombre d’exposants, de 13 à 30, dans un nouvel espace. Comme c’est éphémère, on part sur une approche très légère, sur une organisation qui donne la place à la sérendipité, qui permettra sur place de trouver des liens, des contrastes…

Q+E – Finalement est-ce que le thème « utile » n’est qu’un prétexte pour se rassembler ?

LF – Le sujet est présent mais on n’en fait pas un dogme même si on demande à chaque participant de faire une sélection en fonction de ce thème. Certains designers vont orienter leur choix comme Julie Decubber (bijou contemporain) qui saisit l’occasion d’interpréter l’utile à sa façon (ill.6) ou le collectif Brest Brest Brest, designer graphique (ill.7), qui jusqu’à présent faisait librement une création sur le thème proposé et qui cette année choisit de présenter essentiellement des travaux de commandes pour être en phase avec le sujet.

6 – Julie Deccuber, Vase Capas #20 © J. Decubber
7 – Collectif Brest Brest Bret, Affiche LA FORME 3, 2025 © Brest Brest Brest

Q+E – Comment sont pris en compte les défis environnementaux et sociopolitiques ?

LF – On est sur un territoire qui est particulier et en avance sur les questions environnementales, sociales, etc. et il y a de nombreux créateurs qui les prennent en compte dans leur travail depuis des années : la relocalisation de la production d’objets comme La Fab Unit, l’usage de ressources prélevés sur le territoire et de matériaux récupérés comme Pépite (ill.8), l’outil numérique comme l’impression 3D pour produire au plus proche des utilisateurs et à partir de déchets broyés (plastique, terre, cuir…) comme Bold design (ill.9), l’outil et le vêtement de travail comme Jean-Baptiste Martin (ill.10).
8 – Pépite, Mobilier © Pépite
9 – Bold design, Stéréome © Bold design
10 – Jean-Baptiste Martin, Modular field jacket © J-B. Martin

Q+E – Quelles articulations – ou non – entre recours aux technologies et fabrications artisanales ?

LF – Il y a de plus en plus de designers et d’artisans qui travaillent avec le numérique en lien avec les Fablabs, comme le 8Fablab à Crest ou Polinno à Joyeuse (07) ; ils couplent approches artisanales et numériques, geste et numérique. Cette démarche sera bien représentée avec gravure et découpe laser, fraisage, impression 3D, etc. Le néo-artisanat numérique se développe de plus en plus et les designers makers, qui auparavant restaient au stade de la conception et du dessin et qui externalisaient la fabrication, peuvent dorénavant aller jusqu’au bout du processus grâce à ces boîtes à outils dans les villes : récupérer les matériaux, les transformer, les vendre. Il y a une maîtrise de toute la chaîne par le créateur grâce aux outils numériques.
D’ailleurs le jour du vernissage à la salle des Clercs (vendredi 26 septembre à 18h), il y aura le 8Fablab et l’atelier Stiloop qui s’associent pour mettre en place le « bar à paillettes », atelier mobile pour fabriquer des objets à base de plastiques recyclés. L’intention est de faire comprendre quel est le matériau de base, comment on le manipule pour fabriquer une forme.

Q+E – En 2025, vous diversifiez les formes de l’événement et élargissez le territoire

LF – Cette année, on ouvre les propositions en termes de format avec la performance musicale et dessinée de Géraldine Alibeu (ill.11) à LUX scène nationale de Valence, avec les rencontres et tables-rondes à l’ISTM Montplaisir, au lycée Amblard, à l’ESAD et aussi avec l’Agence pour le Développement des Métiers d’art d’Ardèche. On élargit aussi à d’autres lieux du département comme à Dieulefit où dans l’église Saint-Roch aura lieu un dialogue entre Guillaume Bardet , designer et Marc Chauveau, frère Dominicain autour des enjeux de la réalisation du mobilier liturgique de Notre Dame de Paris (ill.12), dans le cadre de Sillon, Biennale d’art et des Cultures (Dimanche 12 Octobre à 15h).
L’élargissement qu’on souhaite est réalisé progressivement dans le temps car on a tous une vie professionnelle intense ; le repérage des designers se fait par réseau et non par appel à candidature qui est très lourd à organiser. C’est vraiment un temps d’échanges entre professionnels au moment de la préparation et de l’événement-même. L’événement crée la rencontre.
11 – Géraldine Alibeu, Illustration © G. Alibeu
12 – Guillaume Bardet, Baptistère, Notre dame, Paris © G. Bardet
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