© AD26 (5 Fi 461 – Fonds ALAT)

A l’origine colonie romaine, Valence s’est régulièrement transformée depuis l’Antiquité ; cependant rares sont les témoins de sa longue histoire. Comme de nombreuses villes, Valence est une ville palimpseste (*), un « conservatoire de traces superposées, entremêlées […] résultant(e) de cette infinité d’opérations de destruction et de reconstruction ».
Aussi le propos des différents articles est de mettre en lumière la place du patrimoine à travers les phases de transformation de Valence, de repérer les opérations de préservation ou de démolition des héritages aussi bien historiques, sociaux, architecturaux, environnementaux… en s’attachant aux périodes de l’après-guerre à nos jours où se sont opérées de profondes mutations visibles aujourd’hui.

Au XIXe siècle, la ville s’est particulièrement transformée avec la création en 1860 des boulevards implantés sur les anciens remparts, avec l’essor commercial et industriel et l’évolution des modes de transport routier, ferroviaire (*) et fluvial, et s’est agrandie avec la construction des faubourgs le long des voies partant en éventail du centre ancien vers les périphéries. Cependant c’est au XXe siècle qu’elle change vraiment de physionomie après la Seconde Guerre mondiale avec la politique de Reconstruction et de construction sur les différentes terrasses composant la ville. L’architecture moderne réalisée à cette période, souvent incomprise aujourd’hui, deviendra pourtant patrimoine du XXe siècle.

La ville blessée pendant la Seconde guerre mondiale

Comme plusieurs villes dans la Drôme et le long du Rhône, Valence est bombardée par les Alliés qui tentaient de viser des sites stratégiques, tels les lignes ferroviaires ou les ponts, pour empêcher la retraite de l’armée allemande. Les 15 et 18 août 1944, plusieurs édifices et quartiers sont détruits dans le centre ancien et en périphérie. Des édifices d’intérêt patrimonial sont démolis comme la préfecture (ill. 1) installée dans l’ancien couvent Saint Ruf « le Haut », le couvent de la Visitation et son cloître, le pont et les quais du Rhône. Sont également détruits partiellement l’hôpital, le quartier Belle Image (ill. 2), le début du faubourg Saint-Jacques. Quant à la caserne Chareton (actuel emplacement de la nouvelle préfecture), elle est incendiée par l’armée allemande avant de fuir Valence.
Ces destructions, en plus des pertes humaines, laissent place à des décombres, puis après leur déblaiement à des espaces vides qui seront l’objet de programmes de reconstruction destinés aux victimes, mal logés et sans abris. D’après une note officielle du 22 novembre 1945 (ill. 3) du directeur des services d’Architecture, Voirie et Eaux de la Mairie de Valence, sur un total de 5 283 immeubles, 2 477 ont été « détruits ou endommagés par fait de guerre » à Valence, soit 46,82 % (*).

1 – Entrée de la préfecture après le bombardement du 15 Août 1944 © AD26 (9 J 109 / photo coll. Fredj, fonds André Vincent-Beaume)
2 – Maisons détruites, rue Belle image après le bombardement du 15 Août 1944 © AD26 (9 J 120 / fonds André Vincent-Beaume)
3 – Note officielle, 22 novembre 1945 © Archives communales et communautaires, Valence / Archives municipales de Valence (VV-3 D 2)

La ville métamorphosée à l’après-guerre

Après 1945, deux types d’opérations sont réalisés, se démarquant de l’architecture ancienne et du passé urbain de la ville ; tout d’abord la reconstruction de bâtiments sur les espaces détruits se trouvant plutôt dans le centre ancien, le quartier Belle-Image, sur l’ancienne caserne Chareton ; puis la réalisation de grands ensembles en périphérie. Certaines réalisations deviendront des témoins « remarquables » de la reconstruction et de l’architecture moderne, et seront l’objet de patrimonialisation mais seulement en 2003.

• La politique de Reconstruction entre 1945 et 1958

– Une démarche de l’Etat : unifier et planifier

Le 3 mars 1945, le ministre Raoul Dautry (*) du Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU) (*) émet un décret déclarant Valence « ville sinistrée » ainsi que d’autres villes telles Portes-lès-Valence, Saint-Vallier, Crest, Vassieux-en-Vercors, etc. Il engage la ville de Valence à « établir un projet de reconstruction et d’aménagement » (*).
Avec les objectifs de salubrité, social et économique de la Reconstruction, le MRU est chargé de coordonner les plans de reconstruction et d’aménagement de chaque ville sinistrée, de financer des opérations grâce au plan Marshall (*), et de développer les logements sociaux en plafonnant les loyers en 1948 et en créant des Habitations à loyer modéré (HLM) en 1949, remplaçant les anciens HBM.
Suivie par la Commission départementale d’urbanisme, sous la présidence de la Préfecture de la Drôme, la politique de Reconstruction – sous l’autorité des maires Jean Buclon (*) puis de Camille Vernet (*) – se met en place pour effacer les vestiges de la guerre, pour « réparer » et loger les sinistrés, et aussi pour remplacer « les taudis de la Basse Ville et au voisinage de l’Hôpital » déjà signalés par le docteur Calvet dès 1942 (*).

– Des diagnostics aux projets, de longues étapes à Valence

Dès 1946, un « Projet de reconstruction et d’aménagement de la ville de Valence » est proposé et examiné par le conseil municipal, la section permanente de la Reconstruction et le comité national d’urbanisme. Différents états des lieux sont réalisés avant d’aboutir à un Plan de reconstruction et d’aménagement.
Des plans topographiques sont établis en août 1948 pour le MRU par M. Chapron, géomètre topographe, sur lesquels on distingue différentes zones détruites, endommagés (*).
A partir de plusieurs diagnostics sur l’état des quartiers sinistrés, un plan de zonage établit les priorités d’aménagement : « Vieille ville et programme d’ensemble pour l’emplacement des casernes Championnet et Charreton », ainsi que sur le terrain du Polygone qui « devra faire l’objet d’un plan-masse permettant d’organiser cette partie de la ville » (*), sur les zones bombardées et sur des immeubles menaçant ruine comme le long de la rue Belle-Image où le rapport d’expertise conclut à la démolition (*).
Chargé de l’établissement du projet de Valence, l’architecte et urbaniste Georges Bovet (*) soumet le 15 mars 1950 le « Plan de Reconstruction et d’aménagement / Zonage » (ill. 4, 5, 6), puis le 12 juillet 1950 le « Projet d’aménagement de la Ville de Valence. Proposition de programme d’aménagement » (*). Il définit les « emprises réservées pour la voirie, les espaces libres et les services publics », les trois zones (d’habitation, industrielle, rurale), « les règles et les servitudes hygiéniques, archéologiques et esthétiques ». Il est à noter qu’aucune attention aux monuments historiques est mentionnée ; cependant il est précisé l’aspect des constructions qui doivent présenter « une simplicité de volume, une unité d’aspect et de matériaux compatibles avec une bonne économie de la construction, la tenue générale des agglomérations et l’harmonie des paysages. Peut être interdit tout pastiche d’une architecture archaïque ou étrangère de la région » (*).

4, 5, 6 – Georges Bovet, Plan de Reconstruction et d’aménagement / Zonage, Paris, le 15 mars 1950 © Archives communales et communautaires, Valence / Archives municipales de Valence (VV- PROV 45)

Nombreux immeubles sinistrés sont l’objet d’expropriations et d’acquisitions des « vestiges nécessaires à la réalisation du projet de reconstruction » notamment dans le Quartier Belle-Image, soit par l’Etat (rue Citadelle), soit par la Ville (rues Bayard, Belle-Image, Cartelet, Lesdiguières) (*). Des enquêtes publiques sur le projet de reconstruction et d’aménagement de la ville de Valence (ill. 7) sont lancées auprès des valentinois comme celle du 27 août 1951 (*). Afin d’inciter la construction « d’un logement économique et familial », une brochure (ill. 8) est publiée en avril 1953 par le Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme qui recommande de réaliser « une isolation thermique satisfaisante (…), un équipement sanitaire (…) une installation électrique » (*). En France, 800 000 logements sont reconstruits en 1955.

7 – Enquête publique sur le projet de reconstruction et d’aménagement de la ville de Valence, affiche, 27 août 1951 © Archives communales et communautaires, Valence / Archives municipales de Valence (VV-3 D 2)
8 – Construisez un logement économique et familial, brochure du Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme, avril 1953 © Archives communales et communautaires, Valence / Archives municipales de Valence (VV-3 D 2)

• Naissance d’un modèle urbain et d’un style architectural en rupture avec la ville historique

L’espace libéré par les destructions et par la récupération des anciennes emprises militaires permet des aménagements selon un nouvelle conception basée sur la critique de la ville traditionnelle et sur l’éloge du zoning et du confort moderne ; elle se veut en rupture avec le tissu urbain ancien jugé obsolète, caractérisé par la densité, les ruelles étroites, l’absence d’espace vert et de lumière, les constructions basses, l’ornementation éclectique ou historiciste.
Cette approche n’est pas spécifique à Valence et aux architectes y construisant, tel Maurice Biny. Elle s’inscrit dans le sillage de la Charte d’Athènes qui synthétise les principes de l’urbanisme et de l’architecture fonctionnalistes du Mouvement moderne, adoptés en 1933 lors du 4e Congrès des CIAM (Congrès internationaux d’architecture moderne) tenu sur un bateau au large d’Athènes. D’autres congrès suivront accompagnés de publications (ill. 9). Connue en France grâce à la publication en 1943 de Le Corbusier qui reprend les principes, cette charte (ill. 10) définit les quatre fonctions essentielles de la ville : l’habitation, les loisirs, le travail, la circulation, et le principe du zoning de ces activités.
A travers ses différentes publications sur l’urbanisme (ill. 11) et l’architecture, Le Corbusier précise cinq points dans le domaine de l’architecture qui rompt avec la composition classique et qui prend en compte l’individuel et le collectif ; ils seront déclinés dans le bâti de la reconstruction et dans les grands ensembles : construction sur pilotis, toit-terrasse, plan libre, fenêtres en bandeau, façade libre…

Ainsi à Valence, l’urbanisme et l’architecture de la Reconstruction et de la construction des grands ensembles mettent en œuvre ces principes, de manière plus ou moins appauvrie, dans les quartiers de Belle-Image, de la basse-ville, de Chareton (ill. 12, 13) et du Polygone (1959-1965), puis dès 1963 sur la ZUP (zone à urbaniser en priorité) de Valence-le-Haut (Fontbarlettes et Plan).
Sur le plan urbain, le principe du zoning est appliqué séparant logement, travail (entreprises repoussées en périphérie), loisirs, circulation (hiérarchisation des voies). Séparés des équipements collectifs et des services, les immeubles sont implantés sans continuité avec le tissu ancien, en retrait de la voirie pour privilégier l’éclairement, ménageant ainsi de larges espaces entre eux, pour des parkings ou des plantations. Sur le plan architectural, l’habitat collectif en centre-ville comporte au moins trois étages au-dessus du rez-de-chaussée (R+3) et en périphérie il est au minimum R+7. Il est formé de longues et hautes entités autonomes couvertes de toitures-terrasses, construites en béton armé parfois sur pilotis, avec une façade principale composée de larges ouvertures et de loggias, et une façade secondaire plus fermée. Les logements sont aérés, lumineux, avec tout le confort (eau, électricité, gaz…).
L’homogénéisation des façades et leur alignement, la standardisation industrielle du logement témoignent d’une conception moderne et fonctionnelle de la ville ; cependant il est important de rappeler qu’elle répond aussi à une fonction sociale de l’époque où il fallait reloger les sinistrés de la guerre, les rapatriés d’Afrique du Nord, les nouvelles générations dans des logements représentant un « progrès », notamment sanitaire, pour plusieurs couches sociales de la population dont la classe ouvrière.

12 – Valence – Vue aérienne de la caserne Charreton en cours de démolition, 1960 © AD26 (95 Fi 1760 / Fonds Cellard)
13 – Valence – vue aérienne du quartier de la préfecture, 1974 © AD26 (5 Fi 460 / Fonds ALAT)

• Une relecture de l’héritage du XXe siècle

Dans un contexte national où l’on passe de la notion de monument à celle de patrimoine, les architectures et les aménagements paysagers du XXe siècle sont toujours difficilement reconnus et appréciés bien qu’ils représentent un héritage important sur le plan historique, social et esthétique. A Valence, la reconnaissance des valeurs du patrimoine architectural du XXe siècle est particulièrement lente.

– Des héritages du XXe siècle reconnus tardivement

Si la reconstruction à Valence n’a pas la qualité de celle du Havre conçue par Auguste Perret (1945 à 1954) qui est d’ailleurs inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, ou de celle de Maubeuge par André Lurçat (1945 à 1969), elle n’en demeure pas moins intéressante comme témoignage d’une histoire sociale et d’une architecture moderne représentatives des « Trente glorieuses » définies par les « trente années de croissance continue de l’économie française (1946-1975) » (*). Bien qu’elles soient encore incomprises, ces réalisations sont l’objet d’études et de relectures qui sont diffusées grâce à des articles, des cartes, des visites, réalisés notamment par Valence Ville d’Art et d’Histoire. Et certaines constructions deviennent des patrimoines par leurs valeurs esthétique, culturelle et sociale représentatives du XXe siècle. Trois d’entre elles sont labellisées « Patrimoine du XXe siècle », mais seulement en 2003, label devenu « Architecture contemporaine remarquable » en 2016 (*) : Quartier Belle-Image, Préfecture, Château d’eau.

Sur l’ancien quartier détruit, le Quartier Belle-Image est construit, entre 1952 et 1965, par les architectes Georges Bovet, Maurice Biny et François Bérenger qui adoptent les principes de l’urbanisme et de l’architecture moderne fondés sur la rationalisation de l’espace et de la construction, sur la préfabrication industrielle. Ces habitations reprennent les nouvelles normes de confort et leurs façades jouent sur des rythmes horizontaux et verticaux créés par les ouvertures, les pleins, les loggias, etc. La réhabilitation en 2016 d’une partie de l’immeuble (ill. 14) donnant sur le boulevard Vauban par l’Atelier d’Architecture Hervé Tézier met en valeur les qualités architecturales du bâti transformé pour la « Villa Balthazar » en espaces d’expositions, atelier et logements, comme le montre la fiche « Fin de chantier » du CAUE de la Drôme.

Sur les anciens terrains militaires Chareton-Championnet, la Préfecture de la Drôme (ill. 15) est construite entre 1962 et 1964 par Maurice Biny (*) et Georges Goldfard, architectes des Bâtiments civils et palais nationaux. D’une grande rigueur architecturale, le bâtiment exprime la solennité de sa fonction. Long de 100 m. et haut de 25 m., le bâtiment est construit avec une structure poteaux-poutres et des façades-rideaux rythmées par des épines verticales et par des brise-soleils horizontaux. La façade austère est animée par l’auvent de l’entrée et l’escalier monumental qui sera détruit suite aux extensions maladroites construites en 1988 pour le Conseil général de la Drôme (*). La qualité architecturale de la Préfecture réside également dans le traitement décoratif des intérieurs, dans l’esprit d’une synthèse des arts propre à cette époque. Ces décors sont conçus par le collectif de créateurs L’Œuf et Jacques Biny qui conçoit les lustres notamment du grand salon d’apparat (ill. 16) et de la salle de l’assemblée départementale.

Le château d’eau (ill. 17) imaginé par le sculpteur Philolaos (1923-2010) est réalisé à la demande de l’architecte urbaniste André Gomis, qui souhaite un repère spatial entre les deux nouveaux quartiers de la ZUP de Valence : Le Plan et Fontbarlettes. C’est l’occasion pour l’artiste de concevoir une sculpture monumentale, dans le prolongement des formes gauches en métal expérimentées depuis les années 1950, et de concilier d’après Pilolaos « un aspect utilitaire et une recherche formelle » (*). Conçues et construites entre 1963 et 1971, les deux tours du château d’eau sont en béton brut, l’une de 52 m. de haut et l’autre de 57 m., et contiennent 2840 m3 d’eau. Considéré comme une des meilleures réalisations d’art urbain, le château d’eau reçoit le Prix du Quartier de l’Horloge en 1981.

14 – Immeuble du quartier Belle Image réhabilité en 2016, galerie Baltazar © Q+E
17 – Château d’eau, Valence-le-Haut © Gilles Aymard
15 – Préfecture de la Drôme, Valence, carte postale Iris dans les années 1970-80
16 – Grand salon d’apparat de la Préfecture de la Drôme © Ministère de l’intérieur, P. Chabaud

– Des biens communs de qualité mais non reconnus

Malgré leur intérêt architectural, d’autres sont ignorés ou abandonnés alors qu’ils méritent une attention particulière et qu’ils pourraient être au moins labellisés « Architecture contemporaine remarquable ». Ainsi la chapelle de la Visitation (ill. 18), située dans le quartier Belle-Image, est conçue par François Bérenger (1901-1978), architecte de plusieurs églises dans la Drôme et l’Ardèche. Le minimalisme du volume, le fonctionnalisme et le graphisme du brise-soleil en font un édifice inscrit dans l’architecture moderne du quartier.

Situé dans la ZUP de Valence-le-Haut, le parc Jean Perdrix (ill. 19) fait le lien entre les deux quartiers, Fontbarlettes et le Plan. Il est conçu en 1971 par les paysagistes Michel et Ingrid Bourne, une des premières femmes paysagistes en France. Contrastant avec la géométrie de la trame urbaine, le parc est composé avec des formes libres et sinueuses qui mettent en valeur les châteaux d’eau, le lac et les plantations.

D’une grande invention technique et esthétique, la piscine Tournesol (ill. 20) conçue « en série » par l’architecte Bernard Schoeller en 1975 est située sur le quartier de Valence-le-Haut. Elle est formée d’une coupole autoporteuse et d’une charpente métallique qui permettait son ouverture en été. Bien qu’elle soit repérée comme édifice remarquable dans la carte de l’architecture du XXe siècle de Valence et par l’association DOCOMOMO France (*) en 2023, la piscine Tournesol est laissée à l’abandon et menacée de destruction alors qu’elle pourrait être reconvertie en équipement sportif ou culturel.
8 - Façade de la chapelle de la Visitation, Valence © Chantal Burgard

19 - Parc Jean Perdrix, Valence-le-Haut © Chantal Burgard

20 - Piscine Tournesol, Valence © Richard Chambaud

• Place du patrimoine et planification urbaine

– De modestes protections des Monuments historiques et des sites

Au cours de cette période de l’après-guerre, la protection des monuments historiques, sous l’autorité de l’Etat, est peu prise en compte à Valence. Seul un édifice religieux est inscrit en 1978 : l’Église Saint-Jean-Baptiste. Précédemment, six édifices ont été protégés : Pendentif (classé en 1840) ; Cathédrale Saint-Apollinaire (classée en 1862) ; Ancienne abbaye de Saint Ruf « le Haut » (ancienne église/temple classée en 1921, porte inscrite en 1999) ; Porte de l’arsenal (inscrite en 1926), Chapelle Notre-Dame-de-Soyons (inscrite en 1965) ; Maison Dupré-Latour (classée en 1927) ; Maison des Têtes (classée en 1944).
Dans le cadre de la protection des sites et monuments naturels, plusieurs sites ont été inscrits : Côte Saint-Martin (1946), Côte Sylvante (1946), Terrasse de la cathédrale Saint-Apollinaire et Côte Estève (1946), Ensemble urbain de Valence (1975). Auparavant on note un seul site classé en 1941 comme Jardin remarquable : Terrasse et jardins du musée de Valence ; un seul site inscrit en 1942 : Terrasse et perspective du parc Jouvet.

– La construction de l’autoroute A7 à Valence : une rupture avec le fleuve, des patrimoines définitivement détruits

Le maire Jean Perdrix (de 1957 à 1971) décide de faire passer l’autoroute A7 le long des quais du Rhône pour « favoriser le commerce et le tourisme ». Ce choix conduit à la destruction des quais et du port, ainsi que de toutes les activités et les ateliers (moulins, tannerie…) implantés dans la basse ville de Valence et de Bourg-Lès-Valence. C’est la disparition complète de patrimoines tant fluvial, artisanal, paysager que naturel. Au-delà des destructions, la coupure totale de l’A7 construite en 1965-66 entre la ville et le Rhône a plusieurs conséquences : empreinte paysagère désastreuse, pollution atmosphérique (*) et sonore produite par les 70 000 véhicules en moyenne par jour. De plus elle bouleverse complètement les relations des habitants avec le fleuve. Une disparition irrémédiable qui confortera Valence comme ville de passage où l’on ne fait que passer.

– Urbanisme et patrimoine, les prémices de la valorisation de la ville ancienne

Dans un contexte où la notion de patrimoine s’élargit, plusieurs lois sont votées prenant en compte les monuments historiques et la dimension urbaine. Deux lois en 1943 sont promulguées, l’une sur les « abords » (servitude des 500 m.), l’autre sur l’organisation des services administratifs dans les régions ; puis en 1962, est publiée la Loi sur les secteurs sauvegardés qui seront intégrés en 1973 au Code de l’urbanisme.
A Valence, afin de répondre à la croissance démographique et de maîtriser l’extension de la ville, sont élaborés deux documents d’urbanisme : le SDAU, Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme et le POS, Plan d’Occupation des Sols. D’après l’article de Pierre Dubesset de 1974, le SDAU « définit le cadre général de la consommation de l’espace géographique par la ville et son environnement immédiat soumis à l’urbanisation ». Le POS se veut « avant tout un programme de rénovation urbaine » avec comme premier objectif la création de rocades et de pénétrantes entre les quartiers périphériques qui se construisent et le centre-ville où se situent les services. Il prend aussi en compte la vieille ville : « Afin de retrouver les agréments de la vie urbaine, la rénovation du centre-ville prévoit entre autres la mise en valeur de la vieille ville, l’instauration d’un gabarit pour les immeubles des boulevards et l’ouverture de cheminements piétonniers ».

La période de l’après-guerre aux années 1970 se caractérise avant tout par la Reconstruction et la construction de grands ensembles qui à Valence sont réalisés aux dépens de continuités architecturales et urbanistiques, contrairement à d’autres villes notamment dans le Nord où une approche régionaliste a été privilégiée.
Cependant à travers une relecture de cette période, il y a lieu de reconnaître que ces constructions et aménagements répondaient à la pénurie de logements sociaux et à la nécessité de relancer l’économie, tout en imposant sur l’ensemble du territoire « une conception sociale et collective de l’aménagement urbain » .
Parmi les réalisations à Valence, certaines se distinguent par leur intérêt historique, social et architectural et mériteraient une plus grande attention et reconnaissance en tant qu’héritage du XXe siècle de la part des pouvoirs publics afin de préserver les singularités de la ville, grâce leur entretien, leur restauration ou leur réhabilitation, et leur valorisation. Mais cet héritage demande un regard plus curieux, dépassant les aprioris sur l’époque, les fonctions et les styles.

Sources

Exposition « La Drôme après la guerre, un département à reconstruire« , par les Archives départementales de la Drôme (> 27 juin 2025) : dans le cadre des commémorations des 80 ans de la Libération et dans le prolongement de l’exposition itinérante « L’été de la Libération – Drôme, 1944 ».

La Belle image, un projet en trois temps : proposé par La Comédie de Valence, ce projet cherche à tracer le portrait d’une ville, celui de la ville de Valence, pour en dessiner une carte poétique en mettant en relation passé et présent et en tissant un fil à travers la mémoire de ses citoyens et citoyennes.

Bibliographie

Valence-sur-Rhône, ouvrage collectif coordonné par P. Michel responsable de Valence Ville d’Art et d’Histoire, Ville de Valence et Office du tourisme, 1991.