Le choix de l’implantation de la médiathèque de Valence sur le site de Latour-Maubourg procède d’une longue réflexion sur l’aménagement de la ville engagée dès les années 1990. Avec son expérience d’architecte-urbaniste, Jean-Luc Vernier présente les principales étapes et les différents enjeux urbains qui vont bien au-delà d’une simple opportunité foncière.
Auteur :
Jean-Luc Vernier
Une longue réflexion urbaine
Au début des années 1990, des évènements majeurs révèlent le potentiel urbain du site militaire de Latour-Maubourg :
– Un concours d’idées est réalisé sur les berges du Rhône avec 4 équipes retenues, Fuksas /Marguerit (Italie/France) ; Luscher (Suisse) ; Alexandre Chemetoff/Roîg (France/Espagne); Massa/Huet (Italie/France). Cette démarche a aussi préfiguré l’idée d’un rééquilibre du centre-ville vers l’Est.
– Une réflexion sur l’aménagement des boulevards centraux de la ville menée à la suite de cette consultation avec le cabinet Huet, mais qui n’a pas abouti, a notamment permis de lancer un débat sur la gestion des déplacements urbains.
– Suite à de longues années de discussions, le ministère de l’Education Nationale reconnaît le pôle de développement universitaire de Valence. Après l’enseignement du droit, des lettres et des sciences, ce sont les filières langues, sciences économiques et sciences humaines qui se développent à Valence dans le cadre d’une extension de l’université de Grenoble dans un accord signé en mai 1991. Le choix de 2 pôles universitaires est décidé sur la ville : technique et scientifique sur le site historique d’implantation à Briffaut où se trouvent aussi le lycée technique et l’IUT ; droit, lettres, sciences humaines à proximité du centre-ville.
– A la suite d’une rationalisation du patrimoine militaire, la Ville de Valence acquiert la caserne Latour-Maubourg et les espaces situés de l’autre côté de l’avenue de Romans (ancien stade).
Une réflexion sur l’organisation de l’espace disponible situé au cœur du Polygone est engagée. Celle-ci doit prendre en compte les liaisons souhaitées entre la partie résidentielle du Polygone au Nord, les ex MJC et MJT, la patinoire et la piscine ; le parc des expositions et la salle de gymnastique spécialisée à l’Ouest ; les espaces sportifs à l’Est et enfin l’avenue de Romans et bien sûr le site en devenir de la caserne au Sud. Cette étude doit tenir compte d’un emplacement pour la réalisation et la mise en valeur d’un bâtiment universitaire.
Le projet du paysagiste Alain Marguerit est retenu sur la base de trames et d’orientations (ill. 1) :
– Une trame principale en croix (traits rouges) composée d’un cheminement N/S de jonction entre le quartier du Polygone et Latour-Maubourg par l’avenue de Romans, recoupant à mi-parcours une placette que traverse un cheminement E/O reliant les équipements Parc des expositions et les terrains sportifs.
– Un axe de symétrie N/S (en bleu) de part et d’autre des bâtiments de la caserne, partageant la place d’arme et mettant en perspective le bâtiment principal.
– L’avenue de Romans élargie et dont l’aménagement doit mettre en valeur le nouveau quartier et les constructions à venir.
1 –Trame principale du projet d’Alain Marguerit
On obtient une composition simple et cohérente d’un espace complexe. Le quadrillage ainsi dessiné est mis en œuvre pour les opérations suivantes (ill.2) :
1/ Les différents équipements sportifs dont un nouveau stade accompagné de vestiaires, distribués depuis la placette centrale, sont positionnés dans le quadrant Nord Est, proches des équipements existants (piscine et patinoire)
2/ Le centre universitaire Stendhal (Fontès et Penel architectes) est localisé dans le quadrant Sud Est. L’entrée centrale vitrée de part en part du bâtiment marque l’axe de symétrie de la caserne. Cette symétrie est accentuée par des emprises et une volumétrie identique avec le bâtiment principal de la caserne.
3/ La salle polyvalente (Traversier, Solnais architectes) située dans le quadrant Nord-Ouest, assure les activités sportives en salle mais aussi l’extension provisoire du Parc des expositions lors des manifestations.
4/ L’aménagement de l’avenue de Romans élargie permet de positionner un couloir bus et offre un large parvis au bâtiment universitaire.
2 – Organisation des équipements et aménagement du quartier (Croquis Chloé Vernier)
La décennie suivante, 1995/2005, est marquée à Valence par des études et de grands travaux sur les principaux espaces publics du centre-ville et les infrastructures viaires :
– Créations de parcs de stationnements et réaménagements du Champs de Mars et la Place Briand (paysagiste APS), places de l’Université et des Clercs (services municipaux), Faventines …
– Lancement d’études sur l’aménagement des boulevards (déplacements, programmation)
– Engagement de travaux préalables à ceux des boulevards (percées de rue de la Cécile, rue Berthelot …) permettant d’alléger le flux de véhicules concentré sur les boulevards. C’est le cas notamment de la liaison Berthelot/Chabeuil, avec percement de la rue Barault à proximité de Latour-Maubourg.
– Réalisation du Pont des Lônes, autre itinéraire Drôme/Ardèche.
Ces travaux réduisent le flux de véhicules en tête du pont Mistral et permettront le lancement des travaux sur les boulevards.
Le quartier du Polygone et de la caserne se dessine
La Maison de la Musique et de la Danse dans l’ancienne MJC (architecte Ville de Valence) est réalisée, la MJT est démolie et est réaménagé le collège Jean Zay (architecte 3A) qui intègre les classes à horaires aménagés de Musique (CHAM). L’organisation de l’espace permet de proposer l’implantation du multiplex « Pathé » en proche centre-ville plutôt qu’en périphérie, renforçant encore le pôle de Latour-Maubourg. La Ville cède 14 ha de terrains situés à l’Est en bordure de la rocade à l’Etat pour l’implantation d’un nouveau centre pénitentiaire et manifeste son intention d’acquérir le tènement de la prison située avenue de Chabeuil.
La caserne devient un enjeu urbain de plus en plus évident. La ville décide alors de participer à EUROPAN 7 2002-2003 « Challenge suburbain, intensités et diversités résidentielles » pour valider la réflexion sur le devenir de la caserne et de la prison sur la base des objectifs suivants (ill. 3) :
– Constituer une nouvelle polarité urbaine
– Restructurer le secteur
– Créer une mixité urbaine
– Proposer un habitat attractif
– Prendre en compte la mémoire et l’identité du site
-S’inscrire dans une démarche de qualité et d’innovation architecturale, paysagère et environnementale avec le souhait de conforter le pôle universitaire et culturel et créer un quartier d’habitat vivant.
3 – Aire de réflexion urbaine du concours (Ville de Valence)
La proposition du projet lauréat (ill. 4), architectes Mirco Tardio (IT) et Caroline Djuric (FR), « se développe selon un principe de stratification urbaine, en dessous et au-dessus du sol naturel. Inscrit dans une volonté d’offrir de nouvelles potentialités au site, ce parti apparait comme un acte à la fois radical et respectueux de son environnement. Radical car il n’hésite pas à décaisser entièrement la place d’armes pour implanter un jardin luxuriant dans un cratère d’une vingtaine de mètres de profondeur. Dans cette place en creux se situe le centre culturel. On le découvre au travers d’éléments construit en périphérie de la place et qui embrassent la végétation » d’après la présentation des projets EUROPAN 7 (2002-2003).
Les premiers travaux débutent en 2011
Le Projet urbain de 2009 (ill. 5) conforte la caserne comme polarité d’équilibre N/S de centre-ville et la prise en compte des objectifs d’EUROPAN.
A compter de cette date les travaux sont progressivement engagés sur Latour-Maubourg :
– Démolition des murs d’enceinte puis plus tard de l’ancienne armurerie et du garage militaire, pour faire place à l’école d’infirmière, du logement public et un programme immobilier privé au Sud Est
– Réhabilitation des écuries Est (architecte Balsan) avec un pôle d’enseignement privé Maestris, Radio France Bleue
– Réhabilitation des anciennes écuries Ouest (architecte Sohra) avec le Pôle santé jeune, Self du Crous, l’Agence de Développement Universitaire, la Maison de l’étudiant Drôme-Ardèche et plus tard des espaces culturels
– L’usage du bâtiment principal n’est alors pas encore acté…
5 – Projet d’aménagement (non réalisé) par l’architecte Philippe Canivet , 2011
Trois phases de l’évolution du quartier du Polygone et de Latour-Maubourg vue d’avion depuis 1965 (ill. 7, 8, 9) :