Depuis une décennie, l’association Mémorha – qui fédère musées, mémoriaux, centres d’histoire, centres d’archives, enseignants et chercheurs en sciences humaines et sociales, dans la mise en œuvre d’une forme originale de coopération en Auvergne-Rhône-Alpes – interroge les enjeux contemporains de transmission de l’histoire des grands conflits du XXe siècle, les nouvelles formes de manifestations mémorielles et leur représentation dans l’espace public.
Auteur
Philippe Hanus
Particulièrement centré sur la Seconde Guerre mondiale, ce réseau étudie les liens qu’entretiennent les différents dispositifs mémoriels avec les avancées du travail érudit et les attentes des publics, dans le but de proposer de nouveaux récits polyphoniques de la période.
Fort de cette solide expérience, Mémorha a souhaité affirmer et formaliser son approche spécifique du passage d’une mémoire vitrine et bloquée à une mémoire interactive et renouvelée mise en œuvre lors de rendez-vous sur site, colloques, séminaires ou voyages d’études en France et à l’étranger, mais aussi capitaliser la connaissance rassemblée au cours de ces diverses manifestations en publiant avec les éditions Libel à Lyon (*) une collection d’ouvrages qui porterait la « signature » du réseau (*).
À ce jour quatre titres ont été élaborés collectivement, dans un esprit interdisciplinaire :
– Prendre le maquis. Traces, Histoire, Mémoires – 2016.
Qui sont les hommes qui prennent le maquis ? Quand et comment rejoignent-ils ces massifs forestiers et rentrent-ils dans l’illégalité ? Quels y sont leurs moyens de subsistance, de se protéger et de combattre ? Jeunes chercheurs et spécialistes reconnus proposent ici une histoire actualisée du “phénomène maquis” qui permet de mieux comprendre la vie quotidienne, le visage et les postures de ceux qui ont choisi de prendre le maquis.
– Résistances juives. Solidarités, Réseaux, Parcours – 2018.
Cet ouvrage présente l’action des Justes engagés dans le sauvetage des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale au Chambon-sur-Lignon, à Dieulefit et à Moissac. Il compte notamment de précieux témoignages, dont ceux de Boris Cyrulnik et Serge Klarsfeld, mais également d’autres témoins-acteurs qui ont incarné dans l’ombre cette résistance civile en faveur de l’accueil et du sauvetage de personnes juives.
– Survie des juifs en Europe. Persécutés, Sauveteurs, Justes – 2019.
En 1939, neuf millions de juifs vivaient en Europe, cinq ans plus tard, les deux tiers avaient été assassinés. Le présent ouvrage s’intéresse à ceux qui ont survécu dans divers pays d’Europe et à ceux qui les ont aidés, à l’aide de riches archives et témoignages souvent inédits ou peu connus du public français.
– Loin des fronts ? Commémorations en action – 2020.
Cérémonie du souvenir au monument aux morts, reconstitution historique en costume d’époque ou lecture musicale de poètes de la Résistance… Telles sont quelques-unes des pratiques commémoratives liées aux grands conflits à l’œuvre d’un bout à l’autre de la région Auvergne-Rhône-Alpes en ce début de XXIe siècle. Cet ouvrage interroge ce qui fait la commémoration, hier et aujourd’hui, mais aussi sur ce qu’elle fait, à travers pratiques, usages et appropriations sociales auxquels elle donne lieu.
L’iconographie de chacune des publications de Mémorha, extrêmement soignée, provient de fonds publics rarement exploités, mais aussi de collections particulières inédites, mettant en lumière certains territoires de mémoire peu valorisés. Le parti-pris éditorial consiste à ne pas choisir de documents simplement illustratifs de telle ou telle thématique développée par un auteur, mais bien plutôt de sélectionner des illustrations susceptibles de dévoiler une parcelle de vérité sur la période (ne serait-ce que sur l’œil du photographe) et sur la thématique traitée. Archive à part entière, qui complète les sources écrites et les témoignages oraux, la photographie solennise les moments culminants de la vie sociale. À travers le choix iconographique, les éditeurs souhaitent également interpeler le lecteur sur l’ambiguïté de la représentation photographique, qui est parfois pensée par les protagonistes, en contexte de guerre, comme un outil au service de la propagande.
Au corpus de photographies d’époque, les éditeurs ont joint des vues prises de nos jours par des photographes professionnels. Celles-ci posent notamment la question du devenir des lieux témoins et montrent les nouvelles formes d’expression de la mémoire collective.